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A lire : les livres et quelques articles
de Chantal Calatayud,
psychanalyste, didacticienne analytique,
auteur,
parus dans Psychanalyse magazine.

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« Mon mari me traite d’idiote... »


Il devient de plus en plus difficile pour moi de vivre avec mon mari qui me traite d’idiote plusieurs fois par jour ; que nous soyons seuls, en présence de notre fils, de membres de la famille ou d’amis, et alors que je lui ai signifié des dizaines de fois que cela me gêne et m’agresse, rien n’y fait ; au contraire, mon opposition peut le rendre fou… Comme le suggère la psychanalyse, j’ai essayé de comprendre pourquoi j’attire ce type d’insultes de mon conjoint mais, en vain ! Je suis infirmière D.E. en libéral et en exercice et ne voudrais pas finir par douter de moi professionnellement. Merci de me répondre.

Anne-Sophie S. – 14100 Lisieux

La réponse du psychanalyste

Si la psychanalyse, comme vous le précisez, pousse toujours à s’interroger, les réponses découlant de nos interrogations sont autant d’attitudes à modifier vis-à-vis de l’entourage ; elles ne seront justes que dans la mesure où les reproches de l’autre (quel qu’il soit) traduiront une compulsion qui ira dans le sens d’un grand nombre de remarques négatives affluant de la quasi-totalité de nos semblables. Cette précision est d’importance puisqu’il ne s’agit pas d’utiliser le principe de l’autoanalyse comme une pratique médiation masochiste de plus… Pour en revenir plus précisément à votre situation, votre cabinet libéral semble bien fonctionner (vous ne signalez rien qui aille à l’opposé de cette possibilité) et la fréquentation de votre salle d’attente ou le nombre de patients qui vous font confiance doit déjà vous donner à voir et à comprendre que si vous étiez idiote, ça se saurait ! Sans vouloir entrer dans des considérations faciles qui catalogueraient votre mari comme subissant un complexe d’infériorité qu’il chercherait à projeter sur vous (Quelle est sa situation professionnelle ? Est-il au chômage ? Son salaire est-il inférieur au montant de vos honoraires ?), il s’avère évident que le terme qu’il choisit inconsciemment pour vous réduire n’est pas sélectionné par hasard. D’un point de vue purement médical, le diagnostic d’idiotie considère des individus dont le quotient intellectuel se révèle inférieur à 30… Autant dire – si vous aviez encore besoin d’être rassurée – qu’il ne s’agit pas de sujets pouvant exercer une profession à responsabilités comme le métier d’infirmière le requiert… Il s’agit, bien évidemment, de troubles graves liés à une arriération mentale invalidante au plan social. Ce qui peut être intéressant cependant, puisque vous demandez un éclairage psychanalytique, c’est de savoir que le terme « idiotie » a été choisi par E. Esquirol afin de quitter l’appellation initiale : idiotisme. C’est en raison d’une ambiguïté linguistique que cette transformation s’est opérée. Esquirol trouvait que l’idiot, tel que la littérature l’envisage, n’a jamais été « autre », même dans un autre temps, à l’inverse du dément qui a, par régression interposée, perdu ce qu’il avait gagné ou mis en place. Ce mouvement inconscient involutif retrouvé chez le dément laisse cependant accessible ce qu’il a été à une autre époque, tandis qu’idiot et dément peuvent, tous deux, renvoyer une attitude assez passive, indifférente, quant aux évènements quotidiens. Que projette en fait votre mari sur vous ? Certes, quelque chose qui le « gène » à l’intérieur de lui et que votre statut d’infirmière réactualise. Cherchez à identifier ce qui ne change pas chez votre époux socialement qui puisse entraîner une sorte d’immobilisme qui pourrait, effectivement, « générer » tôt ou tard une régression. Une infirmière suit, applique les avancées scientifiques et ce miroir peut être insupportable aux yeux de votre mari s’il est resté « fixé » à un stade antérieur, voire archaïque. A-t-il été malade, hospitalisé, enfant ? Un de ses parents a-t-il subi des soins médicaux importants lors des toutes premières années de son existence ? A-t-il alors pu souffrir d’une menace abandonnique ? Lui a-t-on menti tout jeune sur le décès d’un proche parent et ne l’aurait-on pas ainsi pris pour un « idiot » ? Si ces interrogations ne déclenchent rien d’objectif, partagez avec lui des éléments de votre vie professionnelle pouvant lui faire comprendre que vous êtes responsable ; cette communication commune pourra non seulement le débarrasser de quelques affects « idiots » mais, pourquoi pas, lui faire faire un « saut » (un sot ?)…

 

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