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A lire : les livres et quelques articles
de Chantal Calatayud,
psychanalyste, didacticienne analytique,
auteur,
parus dans Psychanalyse magazine.

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« Suis-je kleptomane ? »


Chaque fois que je pars en voyage, j’éprouve un besoin irrésistible de voler des objets sans réelle valeur, qui se trouvent dans la chambre à coucher ou dans la salle de bains des hôtels où je loge. Ce que j’ai pu constater, c’est que la plupart du temps (neuf fois sur dix), il s’agit de cendriers. Dans ce cas, peut-on parler de kleptomanie et puis-je me débarrasser de cette sale habitude ?

Monica L. – 31160 Aspet

La réponse du psychanalyste

Vous avez tout à fait raison de parler d’habitude puisqu’il s’agit là de comportements répétitifs. Il est certain que la psychanalyse s’avère une méthode appropriée face à ce type de conduites compulsives. Cependant, qui dit compulsion signale un dysfonctionnement interne, tandis que la morale personnelle du patient les condamne au niveau de la conscience ; c’est pour cette raison que la situation est complexe ; je n’utilise pas ce terme par hasard puisque, selon Freud, un complexe est un désir pulsionnel inconscient, souvent hors logique, hors limite, hors loi, qui vient buter contre une instance censeur (le surmoi) ; une véritable lutte libidinale s’installe qui va faire du moi, du corps, le lieu « idéal » de l’auto-punition (insatisfaction après avoir subtilisé l’objet, mésestime de soi, culpabilité, somatisations, etc.). C’est d’ailleurs de ce besoin auto-punitif que découlent les arrestations (très nombreuses, par exemple, dans les hypermarchés). Dans votre cas, on peut effectivement parler de kleptomanie car cette pulsion impérieuse et obsessionnelle qui exige, à votre insu, donc indépendamment de votre volonté, que vous voliez, ne repose sur aucune obligation liée à un besoin d’auto-conservation : sans cendrier, on peut vivre, évoluer, se développer, se réaliser… Tous les courants psychanalytiques s’accordent pour assurer que l’objet dérobé renvoie à une angoisse de perte qui trouve sa justification (ou « réalité psychique ») dans la vie inconsciente du sujet ; l’objet correspond, de fait, à un processus de déplacement, de condensation, tout simplement parce que l’objet du délit est érotisé par l’inconscient. En amont, se trouve le deuil non fait d’une situation infantile restée traumatisante. Deux pistes linguistiques peuvent déjà vous permettre d’aller un peu plus loin, cendre-hier : un fumeur décédé lorsque vous étiez petite fille et que vous aimiez beaucoup ou un divorce (assimilé à une séparation aussi forte que la mort) vous touchant de près dans la période infantile ? Mais, il est bien évident que ces simples indications ne sont là que pour vous faire entendre que se réapproprier fantasmatiquement un personnage disparu en le métamorphosant n’appartient, en aucun cas, au monde de la réalité, d’autant que vivre en réactualisant nos souvenirs peut nous jouer de mauvais tours et nous fourvoyer dans une difficile impasse. Vous l’avez compris, si vos impulsions démoniaques persistent, consultez…

 

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