Excédée par les cris de ma fillette de un an qui refusait de manger, je lui ai donné une gifle. Je ne sais pas ce qui m’a pris. Il y a longtemps de cela... Ma fille, adulte maintenant, se drogue. J’ai une culpabilité qui ne cède pas. Y a-t-il un lien entre cette gifle et le fait que ma fille se drogue ? Je
suis rongée par le remords et le désespoir. Je suis une mauvaise mère. Aidez-moi.
Danielle T. - 53440 Aron
La réponse du psychanalyste
Je vais essayer de faire de mon mieux tant votre lettre m’a bouleversée. Tout d’abord et sans, bien sûr, faire l’apologie de la gifle, si tous les enfants qui avaient reçu une claque se droguaient, les professionnels de la santé mentale auraient depuis longtemps établi des statistiques qui convergeraient toutes dans le même sens. Toutefois, il est certain que le très jeune âge de votre fille, au moment de cet acte de violence, a pu la perturber de façon importante inconsciemment. Effectivement, elle se trouvait alors en période dite préverbale et l’absence du langage n’a pas pu lui permettre de projeter directement sur vous la haine que votre geste a engendrée, si ce n’est les pleurs qu’elle a probablement libérés. Autre facteur alourdissant le tableau, l’incompréhension de votre enfant quant à cette gifle ; son attitude de refus traduisait à ce moment-là une opposition mise en miroir pour vous signifier que quelque chose n’allait pas, ne passait pas... quelque chose que vous-même n’arriviez pas à avaler, à digérer à cette époque de votre vie. Peut-être s’agissait-il d’ailleurs d’une gifle morale ? Il est à noter que votre propre mère (l’avez-vous connue, quelle était votre relation à ce sein nourricier lorsque vous-même étiez enfant ?) n’a pas dû non plus vous donner
le mode d’emploi pour accepter et franchir les
obstacles difficiles de l’existence. Dure
réalité que nos filiations et les conséquences qu’elles
engendrent lorsque l’immaturité (pulsionnelle)
sévit. Ceci dit, il s’avère impératif que vous parliez
de cette scène traumatisante à votre fille. Dites-lui
toute votre culpabilité, demandez-lui pardon (il
n’est jamais trop tard pour bien faire), resituez
ensemble cette gifle dans votre propre contexte
socio-affectif à cette époque. Communiquez, ouvrez
le dialogue au mieux, parlez... Et n’ayez pas
peur non plus que votre enfant vous « claque » la
porte au nez, ce qui pourrait être une réaction saine
et, contrairement aux apparences, évolutive. Ceci
est une possibilité dans la mesure où l’inconscient
garde une mémoire précise de tout évènement et,
même à un an, il sait faire la différence entre amour
et haine. Surtout, soyez certaine que si vous n’aimiez
pas votre enfant, vous ne m’auriez pas écrit...
En revanche, confier cette histoire à un psychanalyste
vous permettrait de sortir de cet état de victime
fixée, en partie et entre autres, à la date de ce
geste incontrôlé et sédimenté par le temps et l’état
actuel de votre enfant. Ce travail sur vous pourrait
aussi l’aider, contribuant à casser ce couple névrotique
redoutable que vous avez progressivement
fabriqué. Ce travail, sans qu’il s’agisse d’une réparation,
ce serait aussi un peu pour elle...
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