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A lire : les livres et quelques articles
de Chantal Calatayud,
psychanalyste, didacticienne analytique,
auteur,
parus dans Psychanalyse magazine.

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  « Je vis mal ma retraite »  
 

 

J'ai soixante ans et suis à la retraite depuis moins d'un an. J'étais assistante sociale et mon secteur ne me laissait guère le temps de respirer. J'étais convaincue que mon âge me permettrait encore de faire tout ce dont ma vie professionnelle m'avait frustrée ; pendant mon activité, je m'imaginais faisant de la sculpture, m'occupant de mes petits-enfants, ou encore, suivant mon mari dans le bénévolat associatif. Rien de tout cela… Je suis au contraire dépressive et la plus petite envie m'est devenue étrangère. Je pleure beaucoup et ne trouve même plus l'énergie nécessaire à la bonne marche de ma maison. Mon entourage ne comprend pas ; aidez-moi, je me sens si seule.

Hélène R., 84000 Avignon

 

La réponse du psychanalyste

Votre état, pénible, que vous décrivez si bien, démontre combien la retraite, même si elle est attendue, désirée, constitue potentiellement un facteur d'exclusion, avec sentiment d'inutilité et d'abandon. L'être humain, de toute façon, a souvent une énorme difficulté à changer d'état et la retraite qui, symboliquement, peut annoncer l'inéluctabilité de la mort, renforce cette angoisse. Or, tout mécanisme de défense lié à l'angoisse consomme une énergie fondamentale, ce qui explique, en partie déjà, votre grande difficulté à passer à l'acte, qu'il s'agisse de plaisir ou de nécessité. Néanmoins, cette résistance peut se lever grâce à des moyens très simples. La première chose à prendre en compte revient malgré tout – et paradoxalement – à s'étayer sur la temporalité car votre mise à la retraite est au fond très récente ; ainsi et à l'inverse de ce que vous pouvez penser, prenez cette latence, c'est-à-dire cet état qui sépare deux périodes, comme une plage de transition ; pour que cet intermède ne s'éternise pas pathologiquement, ôtez-vous tout de suite de l'idée que votre nouvelle position dans la société ne doit générer que du bonheur ; effectivement, toute attitude active requiert un engagement et conduit, quel que soit le domaine, à rencontrer de nouveaux obstacles. Il s'agit donc bien là de quitter ce que la psychanalyse nomme « idéalisation ». Par ailleurs, la retraite ne doit, en aucun cas, mettre en place de processus de réparation et il est souvent pathétique de voir, autour de soi, des individus qui n'ont jamais pratiqué le moindre sport, pendant leur vie active, se lancer déraisonnablement, voire de façon kamikaze, dans la pratique du tennis ou la fréquentation intensive de salles de gymnastique… Il faut donc stopper ce type de projections car, encore une fois, l'espace-temps de la retraite ne pourra jamais contenir ce que votre existence ne vous a pas autorisé à faire jusque-là. La retraite ne peut assurer que la continuité de ce que nous avons été. C'est alors que vous assisterez au développement de vos acquis, parfois mis en sommeil ou fractionnés en raison de turbulences liées à une existence sociale et familiale par trop débordante. Il est nécessaire maintenant d'apprendre à reconnaître, donc à identifier, ce que vous avez été pour que votre retraite authentifie, progressivement, vos atouts ; là se trouve le juste équilibre, le vôtre et vous serez vite étonnée de ce que vous avez encore à découvrir…

 



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