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A lire : les livres et quelques articles
de Chantal Calatayud,
psychanalyste, didacticienne analytique,
auteur,
parus dans Psychanalyse magazine.

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« J’éprouve le besoin de compter les instruments »


Nouvellement installée comme infirmière libérale, je constate depuis que j’ai ouvert mon cabinet des attitudes qu’il ne me semblait pas avoir auparavant : juste avant de commencer ma consultation, j’éprouve un besoin irrésistible de vérifier et surtout de compter tous les instruments placés dans des boîtes stériles et dont j’ai besoin pour mes patients. Qu’est-ce que cela signifie ?

Claire A. – Bruges (Belgique)

La réponse du psychanalyste

Je pense que vous le savez, chère Claire : il s’agit là d’une réaction phobique… Cette impulsion impérieuse à compter des objets, sans pouvoir réfréner cette envie, porte le nom logique d’arithmomanie. Cette attitude est liée à une angoisse ; dans certains contextes psychologiques précis, comme le vôtre, et pour se défendre du trouble anxieux, l’inconscient passe par ce calcul sans grand intérêt en apparence… C’est comme s’il n’avait pas d’autre solution à son problème ! Vous avez tout à fait raison d’y prêter attention car cette tendance cache bien entendu un écueil plus enfoui. Votre métier d’infirmière vous met en contact direct avec des seringues : avez-vous peur de piquer vos patients, un peu comme si vous n’étiez pas véritablement à votre place dans cette profession ? Je m’autorise cette interprétation sommaire puisque les mécanismes phobiques sont en lien avec le phénomène de déplacement et votre inconscient, pour ne pas être deviné, peut jouer sur la confusion et l’ambivalence du terme piquer. Ce verbe, utilisé à la forme populaire, peut renvoyer à voler, déposséder. En somme, ne craignez-vous pas inconsciemment d’usurper un emploi qui serait, par culpabilité interposée, dévolu à quelqu’un d’autre ? Dans ce registre, il peut donc s’agir simplement d’un interdit en lien avec le processus de réalisation sociale, étayé comme toujours sur une problématique affective masquée. Dans ce cas, peut-être vous êtes-vous accordée la permission d’être infirmière, rêve non abouti chez votre mère ? Je vous donne ces quelques pistes car votre sens de l’observation laisse à penser que vous avez la maturité nécessaire pour réagir et agir suffisamment à temps si vous ne parveniez pas à régler tous ces mauvais comptes (contes ?). L’essentiel revient, bien sûr, à ne pas laisser s’aggraver nos mauvaises habitudes, si minimes soient-elles, qui peuvent insidieusement se transformer en méchantes manies. En revanche et si grâce à des interrogations simples, vous constatez que le symptôme perd de sa vigueur, celui-ci se sera juste manifesté pour vous faire prendre un peu plus conscience encore que le métier d’infirmière requiert de posséder de belles valeurs morales. Je veux dire ici que le savoir ne suffit pas : l’humanisation se doit d’y être première…

 

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