Doutant toujours de moi, en tout et pour tout, j’avais envie de démarrer une psychanalyse. J’en ai parlé à un collègue (je travaille dans la grande distribution) qui, sachant que je suis croyant (catholique) et pratiquant, m’a dit que la psychanalyse ne s’adresse qu’aux gens athées. Est-ce vrai ?

Charles B. – 84300 Cavaillon

La réponse du psychanalyste

Non, la psychanalyse s’adresse à tous ceux et à toutes celles qui ont l’envie et la maturité de se libérer de ce qui les empêche, inconsciemment, de se sentir bien dans leur peau et donc d’avancer pour occuper la place qu’ils méritent dans la vie. Aussi bien affectivement que socialement d’ailleurs. N’oublions pas que Sigmund Freud, le maître de la psychanalyse, avait reçu de son père une éducation religieuse juive très poussée. Il est vrai qu’en avançant dans ses expériences et autres postulats, il a largement laissé de côté la religiosité. Entendons par-là qu’il mettait en garde contre une certaine appropriation de la religion par des sujets fragiles. Pour illustrer mon propos, je peux prendre le cas de Michelle que j’ai suivie comme patiente. Quand elle a démarré sa cure analytique, elle était terrorisée par un Dieu imaginaire (qui s’est avéré par la suite être son propre père). Aussi s’enfermait-elle progressivement dans des rituels dont elle était devenue obsessionnelle, ce qui l’avait conduite à un état dépressif sous-jacent et à un absentéisme professionnel qui commençait à lui attirer les foudres de son employeur. De fait avait-elle de plus en plus peur de cet homme, autre figure paternelle redoutée, ce qui la poussait à augmenter ses rituels… Encore une fois et vous l’aurez compris, Charles, c’est cette dérive potentielle qui a fait tirer la sonnette d’alarme à Freud. En revanche, sachez qu’il existe des psychanalystes chrétiens qui utilisent, notamment comme inductions dans les séances, des extraits des Évangiles. Toutefois, si vous n’en trouvez pas dans votre région, ayez conscience que tout psychanalyste qui se respecte a une saine distance vis-à-vis de ses patients dans la mesure où ses études et sa propre analyse font qu’il ne peut pas confondre son histoire personnelle et celle de ses analysants. En jargon freudien, cette attitude salvatrice – qui fait partie de la règle dite fondamentale – s’appelle encore de nos jours la neutralité bienveillante. Faites-vous confiance déjà en écoutant votre désir. Vous n’avez rien à craindre en prenant rendez-vous avec un psychanalyste, d’autant que s’il ne vous convient pas, l’éthique de cette profession veut que vous le signaliez au thérapeute qui n’en prendra absolument pas ombrage, ayant liquidé tout abandonnisme… Votre souci de comprendre ce qui vous limite est légitime et louable et votre courrier atteste que vous êtes fin prêt à vous lancer dans cette superbe aventure que constitue le « divan ». Belle rencontre avec vous-même…