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A lire : les livres et quelques articles
de Chantal Calatayud,
psychanalyste, didacticienne analytique,
auteur,
parus dans Psychanalyse magazine.

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  « Ma fille préfère-t-elle son père ? »  
 


Je suis divorcée depuis maintenant quatre ans. J'ai repris ma profession modeste d'animatrice en grandes surfaces. Mon ex-mari, chef d'entreprise, a une excellente situation. Lorsqu'il invite notre fille Laura, 7 ans, pour des week-ends ou des vacances, c'est toujours dans des conditions royales. Elle rentre époustouflée de ce type de séjour. Je ne peux lui offrir la même chose. Va-t-il, à la longue, s'installer une différence ? Laura finira-t-elle par préférer son père et choisira-t-elle un jour de vivre avec lui ?


Juliette B. – 13111 Coudoux

 

La réponse du psychanalyste

Votre courrier, je le subodore, va répondre à des interrogations, voire des angoisses, que se posent bien des parents qui ne peuvent assumer pécuniairement l’enfant comme leur ex-conjoint. En fait, tout cela n’a aucune importance car un enfant développe une compréhension globalement juste d’une situation quelle qu’elle soit, à condition cependant de ne rien lui cacher de cette situation. Il est évident que si le parent plus démuni financièrement cherche à rivaliser avec son « ex », ce type de compétition, tôt ou tard, présentera deux dangers. Le premier consistera à duper l’enfant qui perdra le plus élémentaire de ses repères pécuniaires. Le second, plus conséquent, entraînera le gros inconvénient pour le futur ado, puis adulte, de ne pas arriver à choisir dans la vie. Énoncée, cette restriction peut apparaître très banale. En réalité, le non-choix génère de mauvaises décisions et ce, dans tous les domaines que ce soit. Qui plus est, généralement à vie. Masquer l’objectivité des choses, des faits et des êtres revient à inscrire sa descendance dans l’erreur et dans l’échec. À l’inverse, celle-ci peut très bien réagir aux pierres d’achoppement inévitablement rencontrées en chemin dans la mesure où, dès la petite enfance, l’éducation (au bon sens du terme) a permis de découvrir que la socialisation se fait par des alternances et des différences de niveaux. C’est aussi renouer un peu avec des schémas parentaux anciens qui ont su faire leur preuve ! À la vérité, je crains plutôt que votre divorce ne passe pas bien mais pour une toute autre raison. Après avoir connu une vie de couple aisée, vous avez l’impression de descendre ou de redescendre l’échelle et c’est de cela dont vous souffrez. D’autant que Laura, quant à elle, continue de bénéficier du train de vie de son père. Vos sentiments s’emmêlent un peu, savant mélange inconscient de regrets et de remords, ce qui explique que vous ne vivez plus tout à fait hier - mais un peu quand même avec la fréquentation par votre fille de votre ex-mari, et pas tout à fait aujourd’hui -, et encore moins demain. Vous semblez courageuse, responsable, et ce ne sont donc pas ces histoires de différences sociales qui vous contrarient. Vous avez tout simplement du mal à renoncer à une époque qui n’existe plus. Certes, par culpabilité interposée, Laura devenant prétexte à ne pas régler complètement une alliance qui a évolué autrement. En fait, sans cet homme, la vie vous semble plus difficile. Le moment est venu de réaliser que votre ancien couple fait partie de votre construction mais qu’il ne faut plus investir implicitement la relation fille/père comme cristallisant votre devenir. Sinon, vous vous installerez dans un immobilisme redoutable. Quant à la quête (inutile) de la famille idéale, sachez que si votre couple avait dû se pérenniser, le divorce n’aurait pas eu lieu, de toute façon. Ceci est à entendre comme l’opportunité de quitter un monde irréaliste qui tiendrait ses promesses pour toujours. Notre monde bouge, les habitants de la planète Terre aussi. Vous n’avez même pas besoin de vous ranger du côté de la raison. Changez plutôt votre représentation fantasmatique affective. Ainsi, vous viendrait-il à l’esprit de circuler au quotidien dans la voiture que possédait votre père lorsque vous aviez 7 ans ? Je ne le crois pas. Dites-vous aussi que chaque mutation s’apparente à des progrès. Ces progrès sont incessants car l’être humain développe une certaine plasticité. Et plutôt que d’avoir les yeux rivés sur les activités « royales » que pratique votre fille en vacances avec son père, observez les avancées « impériales » que votre statut de femme libre vous a permises. Inutile de préciser que vous constaterez objectivement que bien des choses se sont déjà inversées à votre avantage. Si l’argent est pratique, reconnaissez que la richesse du cœur ne requiert pas de calculatrice et ses réservoirs sont inépuisables. Une précision encore : votre fille ne trouvera jamais chez son père ce qu’elle trouve en vous. Et vice-versa, bien sûr. Ce lien qui vous unit à Laura restera à jamais indéfectible, tout comme celui qui la lie à son père. Alors, cessez d’avoir peur et félicitez-vous d’avoir choisi un géniteur responsable pour votre enfant.

 



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