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A lire : les livres et quelques articles
de Chantal Calatayud,
psychanalyste, didacticienne analytique,
auteur,
parus dans Psychanalyse magazine.

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« Mon fils de 17 ans est-il homosexuel ? »


Andréa, mon fils de 17 ans, est-il homosexuel ? Cette question m’obsède, allant jusqu’à me réveiller la nuit. C’est vrai qu’il est beau comme un Dieu, féminin, esthète mais il n’a de cesse de vouloir être mannequin. Je suis désespéré car j’ai beaucoup d’intuition (étant de plus poisson ascendant scorpion) et je ne crois donc pas me tromper. Si c’est le cas, j’ai peur de perdre la face car, étant toujours professeur de judo, malgré mes 60 ans, je trouve que ce serait le comble ! D’autre part, Andréa est fils unique et mon nom ne se pérenniserait donc pas. Rassurez-moi.

Alain D. – 25300 Pontarlier

La réponse du psychanalyste

Vous rassurer ? Mais de quoi au juste ? J’aurais plutôt envie de rire si je ne pressentais chez vous (bien que je ne sois que vierge ascendant lion !) une réelle angoisse, non pas astrologiquement parlant mais emphatiquement vôtre… Je pourrais vous dire, en utilisant quelque métaphore facile, qu’une rose a aussi des épines et qu’Andréa est avant tout un homme, même s’il n’a que dix-sept ans et des allures androgynes, unisexes, encore assez logiques à la sortie de l’adolescence. Je pourrais vous dire aussi que mannequinat masculin et homosexualité ne forment pas fatalement couple mais j’ai surtout envie de vous dire qu’avec des raisonnements comme celui que vous développez dans votre lettre, on peut aisément comprendre que votre fils ait une angoisse de… castration, dixit Sigmund Freud ! Les regards inquisiteurs que vous devez jeter sur votre fils, le déshabillant sous toutes ses coutures (sans mauvais jeu de mots), doivent suffire à lui faire rentrer la tête dans les épaules et à vous renvoyer une image tout en rondeur car, passez-moi l’expression, vous lui foutez la trouille ! Ce peut être sans compter également sur votre profession qui peut, selon la façon dont vous lui en parlez, établir un rapport dominant-dominé et faire du père non pas un atout protecteur mais un objet réducteur. Quant à cette histoire de patronyme qui semble vous contrarier, quelques séances analytiques pourraient vous inciter à faire le distinguo entre le « non » du père et le « nom » du père… D’ailleurs, est-il raisonnable d’envisager une seule seconde qu’un enfant ne soit conçu que dans le but de continuer à véhiculer un nom de famille ? Quoi qu’il en soit de cet amalgame confusionnel que vous assénez, je vous invite à vous interroger surtout sur votre profession que l’on peut effectivement envisager comme un métier « viril »… Que masque en fait ce choix professionnel qui n’est bien sûr pas un hasard puisqu’il semblerait qu’il vous assure et vous rassure quant au regard des autres ? Que cherchez-vous à prouver en mettant l’adversaire (ou le rival ?) au tapis et qu’en est-il de votre part féminine ? D’autant que votre lettre ne fait à aucun moment allusion à la mère d’Andréa. Qu’en est-il de votre relation aux femmes ? En voilà des questions qui sont bonnes et qui, enfin, si vous acceptez de vous interroger, vous recentreront sur vous et feront que vous lâcherez (du moins je l’espère) les baskets à Andréa ! D’autre part, et dans l’intérêt des dames qui vous fréquentent, il serait sûrement utile que vous réalisiez qu’un homme qui laisse jaillir son imago féminine (pour ce concept, c’est de Jung dont il s’agit et lui, n’était pas homosexuel) se révèle un partenaire doux et affectueux, prévenant, que la gent féminine apprécie sans nul doute ! Vous semblez tout simplement omettre que l’être humain présente une particularité double, basiquement parce qu’il s’est d’abord identifié à sa mère, puis à son père et qu’effectivement, selon sa spécificité corporelle et dans une logique des choses, il doit un jour refouler l’imago qui ne correspond pas au genre dans lequel la nature l’a logiquement classé… Cependant, dame nature peut jouer des tours car il est toujours une exception pour confirmer la règle. Et si, d’aventure, Andréa était homosexuel, vous n’en oublierez quand même pas qu’il est avant tout votre fils, d’autant que je suis sûre, tourmenté comme vous l’êtes, que vous savez aussi lui rendre accessible votre grand coeur. Alors, dur au coeur tendre, arrêtez de jouer du paradoxe et au papa poule car, comme vous le précisez, Andréa est bientôt majeur. Ne serait-ce pas alors une bonne petite angoisse du temps qui vous tarauderait et ne pourrions-nous pas plutôt envisager que si un jour Andréa vous nommait au rang de grand-père vous prendriez un sacré coup de vieux ? Quel dilemme car votre virilité ne vous permettrait certainement pas d’avoir accès à la chirurgie esthétique ! Autrement formulé, le temps passe mais si le miroir peut alors nous donner l’illusion de durcir nos traits, on peut aussi se laisser aller à être touché par une certaine douceur liée aux rides dites d’expression. N’ayez plus peur, Alain, des années qui s’écoulent ; ce processus inexorable présente le grand avantage de mieux se comprendre, d’accueillir plus facilement l’autre et ses différences car on a tout intérêt à ne pas perdre la mémoire ; peut-être pourriez-vous vous souvenir alors qu’en 1968 notamment (vous aviez 20 ans, n’est-ce pas ?) tout le monde – filles et garçons – portait les cheveux longs, des chemises à fleurs, des pantalons pattes d’éph… et pourtant… vous avez un fils…

 

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