En allant passer quelques jours de vacances dans ma famille paternelle, j’ai appris que mon père, qui a maintenant 76 ans, n’est pas le « vrai » fils de mon grand-père. Le poids de ce secret me devient chaque jour davantage insupportable et je suis à deux doigts de dévoiler à mon père sa véritable histoire, d’autant qu’ayant fait un peu de psycho, et compte tenu de l’âge avancé de mon père, j’ai l’impression que cette révélation pourrait l’amener à se libérer des chaînes du passé. Cependant et si la levée de ce non-dit m’a permis de mieux comprendre certains comportements violents de mon père, je crains malgré tout de commettre une erreur en lui divulguant la vérité. Qu’en pensez-vous ?

Anne de L. – 26000 Dijon

La réponse du psychanalyste

Même si votre désarroi est grand et même si vous soulevez ici la question primordiale de la filiation de l’identité, est-il effectivement bien raisonnable de retourner le passé, étant donné les circonstances qui vous ont conduite à recueillir cette révélation ? Car, quant à dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité, méfions-nous déjà de la véracité d’une source d’informations ; par ailleurs, un émetteur – et on le voit assurément dans votre cas – peut perturber gravement le récepteur et il ne s’agit pas alors de s’identifier à l’agresseur, d’autant qu’il s’avère souvent difficile d’anticiper sur des conséquences qui pourraient être fatales… Il est de toute façon malaisé de se situer dans tout imbroglio familial et pourtant, il faut bien y faire sa place, ce qui relève du choix. Le choix implique un renoncement à toute forme quelconque d’appartenance. Saisissez ce moment précieux car la seule chose dont vous pouvez être sûre c’est que l’information vous ayant été transmise directement, elle a du sens pour vous. Vivez-la plutôt comme l’opportunité à réfléchir à devenir vous-même. Vous prendrez alors peu à peu l’habitude d’évoluer selon vos désirs. Vous constaterez un jour que vous n’avez plus d’énergie à consacrer à écouter un entourage qui, pour régler quelques mauvais comptes, utilise un processus peu courageux de bouc émissaire. Ne permettez plus à un interlocuteur de mal déclencher votre imaginaire ; en somme, ne vous laissez plus contrôler…