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A lire : les livres et quelques articles
de Chantal Calatayud,
psychanalyste, didacticienne analytique,
auteur,
parus dans Psychanalyse magazine.

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« Notre fille nous a abandonnés »


Mon mari et moi ne comprenons pas le drame qui nous arrive. Notre fille de 20 ans, Marianne, enfant unique, est partie sur un coup de tête au printemps dernier en nous interdisant de chercher à avoir de ses nouvelles. Il est vrai que depuis deux ans, elle sortait avec un jeune homme d’origine algérienne et, compte tenu de ses attitudes plus que discutables, mon mari et moi lui avons fait quelques reproches ; c’est ainsi que nous lui avons dit notre inquiétude car elle a pris la mauvaise habitude de fumer des « joints » depuis qu’elle sort avec ce garçon ; à la même période, elle a commencé à se déscolariser et a fini par abandonner ses études ; ses tenues vestimentaires sont devenues sombres et agressives à la fois ; son vocabulaire s’est appauvri et elle a rejeté progressivement les membres de la famille, y compris une cousine germaine qu’elle adore… Nous respectons le silence de notre fille mais, écrasés de culpabilité, nous ne comprenons pas cette situation qui nous semble d’autant plus injuste que nous avons toujours essayé de donner à Marianne la priorité.

Françoise P. – Genève

La réponse du psychanalyste

Il est tout à fait compréhensible que vous en ayez gros sur le coeur mais la seule manière de ne pas vous sentir engloutie par une situation aussi pénible que celle que vous traversez est, avant tout, de ne pas la vivre comme un échec. Une évidence s’impose : votre fille a cherché et cherche encore à vous blesser dans la mesure où elle peut imaginer que vous ne respectez pas son choix affectif, d’autant que (peut-être un peu à la hâte) il semblerait que vous ayez établi un lien entre ses fréquentations et ses comportements. Certes avez-vous eu raison de soulever franchement votre inquiétude vis-à-vis d’elle mais Marianne a réagi de façon plus classique que ce que l’on peut le penser… Les chiffres concernant les fugues font frémir et il faut savoir que, la plupart du temps, le profil du fugueur s’inscrit dans un contexte familial où l’enfant a l’impression qu’il peut insuffisamment s’appuyer sur ses parents ; il existe plusieurs raisons à cela ; soit que les géniteurs aient eux-mêmes des conduites puériles, voire irresponsables (ce qui n’est pas votre cas compte tenu des propos de votre lettre), soit que l’enfant ait été élevé comme un « enfant-roi », ce qui semblerait correspondre à votre fille ; dans cette hypothèse, les rôles et l’ordre des choses étant inversés, Marianne a pu, insidieusement et inconsciemment, développer un complexe de toute-puissance et la moindre remontrance lui apparaît alors inconcevable… Cependant, vous aimez votre fille et même si vous l’avez gâtée, dites-vous que l’amour resurgit toujours à un moment ou à un autre. Je suis à peu près certaine que Marianne vous donnera de ses nouvelles lorsqu’une distance physique et morale suffisante lui aura permis de s’interroger, à la façon d’une adulte. Cependant, ne retournez pas contre vous cet abandon et n’hésitez pas à vous faire aider psychologiquement si vous sentez que l’espoir vous abandonne à son tour.

 

 

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