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A lire : les livres et quelques articles
de Chantal Calatayud,
psychanalyste, didacticienne analytique,
auteur,
parus dans Psychanalyse magazine.

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« Que cache ma petite soeur ? »


Éloïse, ma petite soeur de treize ans, est un véritable garçon manqué. Pas féminine du tout, elle pratique des activités masculines comme le football au sein d’une petite équipe locale de son département. Mais me gêne davantage qu’elle passe beaucoup de temps à visionner des films d’horreur où l’hémoglobine coule à flots. Mes parents me disent de me mêler de ce qui me regarde lorsque je leur en parle. Suis-je anormalement inquiète ?

Stéphanie R. – 13200 Arles

La réponse du psychanalyste

Il faut savoir, Stéphanie, que les psychanalystes n’entrent pas catégoriquement dans le registre du normal ou de l’anormal car ces sphères-là, afin qu’elles soient diagnostiquées de façon professionnelle et objective, nécessitent des informations multiples. Toutefois, hormis le fait que vous soyez très sincèrement inquiète du développement de votre soeur (pas si petite compte tenu de son âge), votre courrier fournit de quoi vous répondre. Et même si vous ne précisez pas votre différence d’âge, elle doit être inconsciemment suffisamment importante pour que vous jetiez un regard aussi maternant sur Éloïse. Vos parents ont cependant raison de vous rappeler que votre soeur n’est pas votre fille et, si leur enfant se trouvait véritablement en danger, ils le réaliseraient, d’autant qu’à son âge Éloïse est scolarisée et ses enseignants seraient les premiers à signaler des problèmes sous-jacents. À treize ans, une jeune-fille se cherche un peu, désire aussi s’affirmer ou provoquer tout simplement mais là n’est pas la question car, ce qui m’interpelle encore une fois chez vous, c’est qu’ayant précisé l’âge de votre soeur (ce que je peux comprendre compte tenu de votre démarche épistolaire), vous n’ayez pas éprouvé le besoin de dévoiler le vôtre. Vous n’indiquez rien non plus de votre vie affective ; or, vous insistez sur les activités et autres attitudes comportementales masculines d’Éloïse. Ne souffririez-vous pas d’un manque sentimental tel que vous projetiez ce vide, cette frustration, sur elle ? Ne craignez-vous pas qu’Éloïse, qui semble à l’aise dans des ambiances masculines, ne rencontre l’âme-« soeur » avant vous ? Les jeunes gens vous font-ils horreur au point de vous inquiéter de vous sentir envahie par tout ce qui toucherait la gent masculine ? En somme, et vous l’avez sûrement deviné, je pense que votre lettre traduit une peur de l’homme. Il semblerait aussi, et contrairement à vos dires, que vous résistiez un peu à grandir. Par ailleurs, le terme « hémoglobine », employé à la place de sang, peut renvoyer aux menstrues qui donnent l’impression de ne pas être intégrées comme un processus « normal » par vous-même. Ainsi, si la qualité de la communication est bonne, entretenez-vous de tout cela avec votre mère qui a connu, comme chacune d’entre nous, les inquiétudes, voire les angoisses liées au démarrage d’une vie amoureuse et sexuelle. Si cet échange vous apparaît difficile, optez pour un professionnel de l’écoute, d’autant qu’à mon sens vous souffrez (et c’est dommage) de quelque chose de fort naturel à votre âge…

 

 

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