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A lire : les livres et quelques articles
de Chantal Calatayud,
psychanalyste, didacticienne analytique,
auteur,
parus dans Psychanalyse magazine.

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La psychanalyse transgénérationnelle !


La psychanalyse transgénérationnelle ? Doit-on rire de l’ajout du qualificatif qui est en fait un pléonasme lorsqu’il est accolé au terme psychanalyse ? Doit-on le déplorer ? Ou, à l’inverse, l’apprécier ? 
On peut imaginer que le « psy » qui a eu cette idée (commerciale ?) de « Psychanalyse transgénérationnelle » ne doit, a priori, pas véritablement connaître les rouages de la méthode freudienne, pas plus que ses fondements et autres théories. C’est une évidence. Rappelons que Sigmund Freud a mis en exergue le phénomène des scénarios qui se répètent, tout aussi négatifs soient-ils, dans un ouvrage de 1920 (!), « Au-delà du principe de plaisir », processus qu’il avait évoqué auparavant dans « Remémoration, répétition et perlaboration » en 1914… Ainsi le maître de la Psychanalyse parle-t-il de compulsion de destin, expression qui évoluera vers la névrose dite de destinée. Freud cite l’exemple d’une femme qui, trois fois mariée, assiste à la maladie et au décès de ses époux successifs… Mais il a surtout postulé du mécanisme d’identification inconscient qui fait que, notamment, par les phonèmes véhiculés par la langue maternelle, nous faisons revivre nos chers disparus et nos ancêtres méconnus. Les prénoms qui reviennent sempiternellement à la mode le confirment ! Indépendamment du processus d’identification à nos parents, n’oublions pas que ceux-ci se sont identifiés à leurs propres parents etc, etc. La chaîne transgénérationnelle est d’ailleurs répertoriée, depuis les travaux de René Laforgue, sous le vocable de névrose familiale : schématiquement, dans toute famille, les névroses individuelles se complètent et finissent par générer des mariages dont les membres du couple, bien que l’ignorant, présentent les mêmes caractéristiques symptomatiques qui se cristallisent sur les générations proches et moins proches à venir. Laforgue reprend d’ailleurs ici la conception freudienne du surmoi (juge filial souvent funeste) : « Le surmoi de l’enfant ne se forme pas à l’image des parents, mais bien à l’image du surmoi de ceux-ci, il s’emplit du même contenu, devient le représentant de la tradition, de tous les jugements de valeur qui subsistent ainsi à travers les générations »… C’est ainsi que l’on peut assister à des maladies quasi identiques sur plusieurs générations ou des névroses d’échec qui se répètent pendant des décennies dans une même filiation… La psychanalyse transgénérationnelle n’apporte donc rien de nouveau dans le paysage psychologique. En 1985, Françoise Dolto parlait de son côté de « solidarité génétique » ou encore de « solidarité des générations devant les effets dévitalisants de certains traumatismes », ajoutant que « cette découverte psychanalytique de la transmission de l’héritage, aussi bien que de la dette sur le plan émotionnel inconscient des êtres humains, est comparable, pour son importance capitale, à la découverte sur le plan pathogène de la transmission génétique de certaines maladies »… Ceci dit et pour répondre à la question posée en introduction, je répondrai qu’à la réflexion, renforcer la dimension psychanalytique par un jeu pléonastique présente au moins l’avantage que cette insistance rappelle que la psychanalyse est une méthode d’investigation psychique qui permet de débarrasser ses patients de fautes qu’ils n’ont pas commises et dont ils souffrent bien malgré eux. À condition toutefois de ne pas en faire une discipline novatrice qui exclurait la « trouvaille » – comme aurait pu le signaler Jacques Lacan – de son auteur, infatigable humaniste : Sigmund Freud.

 

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