J’aime bien le regard que jetait Shakespeare sur l’imagination : « Elle donne un corps aux choses inconnues », disait-il… Or, la bonne nouvelle, c’est que nous sommes tous doués d’imagination. Elle précède ainsi nos passages à l’acte sans exception, ouvrant notre esprit aussi bien aux potentialités affectives, matérielles que spirituelles. L’imagination est donc une œuvre d’art à elle seule, nous offrant les contours nécessaires à la concrétisation de nos projets. C’est de la sorte qu’ils aboutissent, renforçant notre dignité, asseyant notre saine ambition, légitimant nos désirs tous azimuts. Notre existence s’impose, du reste, elle aussi, comme une œuvre d’art mais entièrement à part. Constituée d’une merveilleuse énergie, elle nous anime individuellement au point que certains ont même envie de tagger sur les murs leur humanité, à l’instar de l’artiste conceptuel Ben qui ponctue notre route de rappels en apparence naïfs et dont le tracé va jusqu’à oublier parfois les majuscules : « écrire c’est peindre des mots… », « et surtout n’oubliez pas de tomber amoureux », « on ne sait jamais », « j’ai rien à vous montrer, il y a tout à voir », « la vie ne s’arrête jamais »… La vie ne s’arrête jamais, dessine-t-il : ce flux ininterrompu se retrouve invariablement dans chaque tableau, dans chaque sculpture, dans chaque poème, dans chaque chanson, parce qu’à chaque être humain il est donné de s’approprier personnellement toute création, pour la faire vivre à son tour et la transmettre à sa façon.