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A lire : les livres et quelques articles
de Chantal Calatayud,
psychanalyste, didacticienne analytique,
auteur,
parus dans Psychanalyse magazine.

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Le bonheur ?


Le bonheur apparaît comme une des préoccupations majeures de notre société en crise. Il n’est qu’à regarder le nombre de formes de psychothérapies en tout genre, se voulant positives, qui ont éclos au cours de ces vingt dernières années, pour constater d’évidence que cette quête mobilise au quotidien beaucoup de notre énergie ! Il ne faut cependant pas se leurrer et encore moins leurrer, notamment en tant que professionnel de la psyché, car le bonheur a ses limites et, même si c’est décevant, le bonheur étant un effet – et non une cause –, il présente en fait une très faible efficacité… Principe passif et contrairement aux idées reçues, le bonheur ne nous fait pas véritablement avancer ; ce sentiment reste à envisager comme une respiration, comme une pause, qui permet de recharger nos batteries. Il est une erreur avérée de considérer « le » bonheur et déjà beaucoup plus raisonnable de regarder du côté de « nos » bonheurs ; mis au pluriel, ce terme s’humanise alors qu’à l’origine, il ne permet pas d’établir de règle universelle pour y accéder. En tant que psychanalyste, il convient d’envisager ce désir légitime comme résultant d’une longue lutte inconsciente et tenir compte de la manière dont l’analysant aborde ce projet ; effectivement, le bonheur explicité comme une possible solution nécessite un état libidinal différent du bonheur présenté comme posant problème. C’est ainsi que Jacques Lacan de nous prévenir : « La psychanalyse, rejoignant en cela l’expérience commune, vous montre qu’il n’y a rien de plus bête qu’une destinée humaine, à savoir qu’on est toujours blousé » ; et d’ajouter que « ce n’est pas par accident, parce que ça pourrait être autrement, que par une chance bizarre, nous traversions la vie sans rencontrer personne que des malheureux » ; et de conclure en soulignant qu’« on se dit que les gens heureux doivent être quelque part. Eh bien, si vous ne vous ôtez pas cela de la tête, c’est que vous n’avez rien compris à la psychanalyse. Voilà ce que j’appelle prendre les choses au sérieux… ». Quelle leçon magistrale, quelle honnêteté surtout qui ne laisse pas la moindre place à une éventuelle hystérie de séduction ! Toutefois, la perspective du bonheur nous force et nous forge à l’écoute de soi. Cependant, à une époque où il est souvent question d’épanouissement personnel, il devient urgent d’admettre, dans la mesure où il convoque une émotion, que si bonheur rime avec valeur, il appartient au domaine de l’éphémère, tout en n’étant pas pressé de se manifester. En somme, le bonheur est une simple histoire d’acceptation…

 

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