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A lire : les livres et quelques articles
de Chantal Calatayud,
psychanalyste, didacticienne analytique,
auteur,
parus dans Psychanalyse magazine.

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Le symptôme de la société


A priori, aucun enfant au monde ne s'intéresse à la politique ! Et pourtant, scène primitiveoblige, le petit d'Homme a l'art de se mêler de ce qui ne le regarde pas... Et c'est ainsi que, très tôt, il pourra donner, sans se tromper, le nom du Chef d'État ou autre Roi en poste dans son pays...
A priori cependant, la politique, en s'intéressant à la demande du citoyen, tel le bon sein nourricier attentif, développe quelques tendances à infantiliser ledit citoyen. Et de fait,narcissisme prime-mère oblige, l'honorable citoyen ne pourra introjecter la réponse de l'État que si elle véhicule du principe de plaisir, principe dit économique, et c'est alors un comble ! Autrement exprimé, y a-t-il compatibilité ou, à l'inverse, antinomie, entre plaisir et politique ? Souvent la politique ennuie mais, à trop l'ignorer, on peut y perdre ses droits, autant dire ses avantages car la citoyenneté ne peut se justifier, donc se pérenniser, qu'en termes d'échanges, de deals mais alors, et sans le savoir, serions-nous accros à ce système qui ramènerait ainsi au processus type de la jouissance ? Ne dit-on pas d'ailleurs jouir de ses droits civiques ?
Dans leurs variétés de styles, les politiques peuvent effrayer, déranger ou rassurer mais, curieusement, ils n'arrivent jamais à amuser, ou très exceptionnellement, ce qui peut à l'inverse produire de l'agacement car, devant le téléviseur, le téléspectateur n'est pas dupe ; il assiste en direct ou presque à une démonstration opération charme, démonstration réussie peut-être mais il s'agit là de séduction, sur fond de discours démagogique. Rien n'y peut changer, les septennats l'ont démontré : le but, le citoyen le connaît ; le sens disparaît, ne laissant que l'inconnue, vite transformée en angoisse, projectivement libérée peu après sur l'entourage. Fort habilement, la télévision – et ses Guignols de l'info – par culpabilité interposée, cherche à gommer toute trace d'inquiétude mais est-ce si simple quant au quotidien car le Journal Télévisé continue tout de même à asséner les chiffres du chômage, le coût de la délocalisation, le déficit de la Sécurité Sociale...?
La chose la plus étonnante est que chacun reprend à son compte ces fresques plus ou moins noircies de la vie quotidienne...
Alors, comment sortir de nos épuisantes compulsions de répétition et pour essayer de survivre à toute ces agressions, suffit-il de filer dans un ashram ou de s'installer définitivement sur une île déserte ? D'autres, qui y ont pensé avant, nous auraient convaincus de la chose, donc la réponse se trouve ailleurs.
La psychanalyse, ou encore cure par la parole, née au siècle dernier, a contribué et contribue dans son essence même à désangoisser l'individu au nom de l'évident principe de réalité : l'être humain est un être de langage. A l'époque de la naissance de la technique freudienne, le cinéma muet régnait en maître ; un siècle s'est donc écoulé et, paradoxalement, le cinéma parlant tant attendu serait en perte de vitesse. Comme c'est curieux ! On avait pu penser un temps que le cinéma muet lasserait le spectateur, frustré d'une écoute singulière, la sienne. Et pourtant, le cinéma d'aujourd'hui dit l'opposé mais il avait été bien naïf d'occulter le rôle déterminant de l'imaginaire qui se débrouille aisément lorsqu'il s'agit de se taire... Car se taire peut être un signifiant salvateur parfois aussi, d'autant que l'aphasique ne libère ça parole que s'il ne se sent plus considéré comme un lent-gage...
C'est ainsi que la psychanalyse permet de comprendre que pour en finir avec toute crise, c'est-à-dire que pour sortir des difficultés du temps présent, il est indispensable d'aborder les changements nécessaires à une époque en terme d'opportunité car c'est grâce à la réhabilitation d'un système politique – ou de tout autre système – que celui-ci ne constitue plus le symptôme de la société ! 

 

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