chantal_calatayud

A lire : les livres et quelques articles
de Chantal Calatayud,
psychanalyste, didacticienne analytique,
auteur,
parus dans Psychanalyse magazine.

ouvrages-publications-chantal-calatayud-directrice-institut-psychanalyse-ifpa

Tous fans de Mickey !

Il est notre (plus) vieil et fidèle ami. Jamais il ne nous déçoit, tant par son dynamisme à toute épreuve que par son inventivité qui ne défaille jamais. Nous sommes fans de Mickey -à tout âge- parce que justement il ne fait pas son âge ! Ni physique, ni mental.
Mickey aurait donc un secret que nous espérons deviner. En fréquentant régulièrement cet éternel jeune homme, nous imaginons peut-être aussi profiter de quelques recettes de jouvence qu’il dispenserait subtilement. Et nous avons raison ! Ses attitudes, ses réactions, ses répliques peuvent faire écho en chacun de nous avec un brin d’effort. Mickey tient un double langage. C’est bien cette particularité qui nous séduit. Plus branché solution que problème, peu dans la plainte, il semble traverser l’existence au présent. « A chaque jour suffit sa peine » aurait pu aussi être sa devise, devise qu’il serait bien utile que notre société mette en miroir.
Loin de cette sagesse, il s’avère de bon ton aujourd’hui d’éliminer tout ce qui nous gêne en apparence ! Et en premier lieu les sillons creusés par l’inéluctabilité du temps qui passe. Occupés que nous sommes à vouloir combattre la seule réalité un peu sérieuse à prendre en compte - notre mortalité - nos décisions intempestives en matière de paraître nous font fréquenter salle de chirurgie (esthétique) et scalpel du spécialiste de façon le plus souvent inconséquente. À ce sujet, il conviendrait d’ailleurs de rappeler que détérioration et vieillissement ne sont pas synonymes... Loin s’en faut. Ces marques que le temps sculpte sur notre visage et notre corps rappellent que nous avons acquis de l’expérience. À l’inverse, un visage artificiellement trop lisse met malheureusement en exergue un manque de repères objectifs et une difficulté d’adaptation certaine. Et même lorsqu’il s’agit de catégories socioprofessionnelles qui, pour justifier leur lifting, lorsqu’elles en ont le courage, utilisent comme prétexte fallacieux la fréquentation d’un public exigeant...
Ce manque d’authenticité avec soi et avec les autres nous rapproche curieusement une fois de plus de Mickey. Son nom est souvent métaphorisé pour parler d’une personne instable, peu sérieuse, pas fiable. Injure suprême pour notre célèbre Mickey ? Pas du tout. Simple erreur d’interprétation car, lui, n’a rien d’un profil labile. La preuve en est qu’il nous donne à voir un Principe de constance à faire blêmir les plus persévérants d’entre nous. À ce propos, quelle curieuse façon d’avancer dans l’existence que de vouloir à n’importe quel prix revenir en arrière? Paradoxe, s’il en est, celui-ci bat tous les records d’illogisme. À combattre les ans qui s’égrènent, rendement et émergence de nos potentialités s’amenuisent. Effectivement, c’est le cerveau qu’il s’agit de stimuler pour gagner en intensité neuronale puisque celle-ci s’avère un phénomène variable. Et si les facteurs de dégénérescence cérébrale ne prouvent rien en matière de statistique, à nous de nous défaire d’un très grand leurre : la vieillesse n’est pas seulement biologique. Elle est avant tout psychologique et surtout, psychophysiologique. Ceci nous incite à réfléchir encore davantage à l’histoire du sujet englué dans son angoisse du temps et à l’aider à se resituer dans son schéma filial. Je pense d’ailleurs que Mickey ne s’y trompe pas, lui et ses drôles d’oreilles que beaucoup de très, très jeunes sujets auraient déjà fait recoller à sa place depuis longtemps. Il est bien regrettable de constater l’engouement pour ce type d’intervention chirurgicale chez les moins de dix ans, parents complaisants aidant, alors que la croissance et le développement facial sont loin d’être achevés... No comment... Mickey, disais-je, ne s’y trompe pas, rejoignant, en cela un autre personnage symbolique, le Christ, qui demandait aux individus munis d’« oreilles » d’entendre... Son maître mot était l’acceptation, valeur que transmettaient volontiers il n’y a pas si longtemps encore nos aïeux. C’est un fait, notre seuil de tolérance diminue régulièrement et avec elle, la mémoire. Ne nous étonnons plus alors que l’Alzheimer menace. Tout cela est bien dommage et dommageable car nous en oublions (!) que le désir, lui, en revanche, ne vieillit pas dans le sens où il n’a pas d’âge. A la seule condition cependant d’admettre que si nos aspirations passées n’ont pas abouti, il est toujours possible d’en développer de nouvelles, différentes, mais pour cela, encore faut-il faire du temps notre allié...

 

> Lire d'autres articles