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A lire : les livres et quelques articles
de Chantal Calatayud,
psychanalyste, didacticienne analytique,
auteur,
parus dans Psychanalyse magazine.

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Touche pas à ma passion !


Curieuse société qui voit des addictions partout… Dès que nous travaillons plus que de coutume (les fameuses 35 heures !), dès que nous pratiquons un sport de façon récurrente, dès que nous fréquentons un club ou une association régulièrement, l’entourage s’inquiète. Il faut dire que les médias voient des sectes et des gourous à tous les coins de rue (c’est racoleur et vendeur), ce qui arrange bien les affaires d’un partenaire ou d’un parent abandonnique… Bizarre donc que la suspicion s’installe et règne lorsqu’un individu s’adonne à ce qu’il n’ose pas avouer, en règle générale, comme étant une passion. D’ailleurs, psychanalyse sauvage aidant, il n’est pas rare que quelque directeur de conscience induise que tout passionné présente un comportement de fuite… Il s’agit-là d’une grande ignorance : l’addiction ne concerne que des attitudes particulièrement autodestructrices. Qui oserait traiter aujourd’hui de grands névrosés Pierre et Marie Curie, Louis Pasteur, Jean-Henri Fabre, Sigmund Freud (quoique…) ou encore Cézanne, Picasso et bien avant eux, Galilée, Christophe Colomb ? Mais il est vrai que les gloires posthumes vont bon train. Nous sommes les pros de la culpabilité tardive : Le roi est mort, vive le Roi ! Le décès de Coluche résume assez bien ces exemples d’hypocrisie : ceux-là mêmes qui l’avaient décrié de son vivant l’encensent aujourd’hui ! La liste serait longue de ces êtres qui se sont « vus » auréolés une fois disparus. Mais est-ce à dire que l’humain fait de la mort une passion glauque ?
Il est vrai que le sujet ne laisse pas indifférent puisqu’il renferme le mystère des mystères. Pour autant, il existe aussi des individus bien dans leur peau qui n’hésitent pas à s’adonner corps et âme – de leur vivant – à leur hobby. Certains disent d’eux qu’ils sont sur une autre planète. Accordons-le à ces jaloux. Les passionnés, effectivement, n’ont pas leur libido disponible pour rivaliser, envier, critiquer, détester, haïr, détruire… Ils n’entrent pas dans la recherche de conflits, avares de l’énergie dont ils ont besoin pour mener à bien leur oeuvre, aussi élémentaire soit-elle. Ce qu’ils ont de plus ? Leur passion justement ! Alors, laissons-les en paix, sans y voir fatalement une dépendance névrotique. Après tout, il existe des paresseux qui travaillent quinze heures par jour : en voilà qui ont su sublimer leur faiblesse. Il existe aussi des peintres solitaires qui peignent et affinent une toile pendant des semaines : en voilà qui ont su canaliser Thanatos. Il existe également des écrivains qui s’enferment pendant des mois pour parachever leur bouquin : en voilà qui ont su se débarrasser de leurs démons intérieurs pour ne pas polluer alentour… La passion n’est pas le signe d’une dégradation sociale ou affective. Elle est la résultante d’une maturité pulsionnelle qui lève enfin les interdits. Alors, de grâce, touche pas à ma passion !

 

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