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A lire : les livres et quelques articles
de Chantal Calatayud,
psychanalyste, didacticienne analytique,
auteur,
parus dans Psychanalyse magazine.

Livres Psy didactiques gratuits de Chantal Calatayud, psychanalyste et didacticienne analytique

Accepter pour s'accepter


Si l'acceptation peut revêtir une dimension spirituelle, elle n'en exclut pas pour autant un positionnement psychologique majeur. Effectivement, accepter les aléas de sa destinée revient en fait à s'accepter...

L'angoisse jalonne trop souvent le quotidien. Dans nos réactions anxiogènes, il n'y a d'ailleurs pas que le reliquat d'une éducation pétrie de " Fais attention ! ". Certes, l'être humain redoute de mal dire, de mal faire, les " punitions " et autres rétorsions censées accompagner tout manquement et toute insuffisance. Toutefois, la peur du lendemain et d'un avenir hypothétique plus lointain encore cache surtout la peur de la mort...

Dépasser l'angoisse du temps
Quand on constate avec quelle facilité l'individu remonte les décennies, armé de souvenirs qu'il transforme en règle générale en regrets, on ne peut que se rendre à l'évidence : ce type de lifting psychique vise essentiellement à fuir l'inéluctabilité de la mortalité. La psychanalyse parle alors d'une " annulation rétroactive "...
. Clothilde, 44 ans, restauratrice de tableaux, livre les désagréments qu'elle a rencontrés en persistant à idéaliser son passé : " Il y avait un paradoxe énorme à me réfugier mentalement à l'époque de mes jeunes années puisque j'ai été une enfant et une adolescente battue. Chaque fois que je sortais avec un homme qui finissait toujours par me battre physiquement, je pleurais et je repensais à mon enfance. Je me revoyais dans le jardin où, après avoir pris des coups que je ne méritais quasiment jamais, assénés par la folie de mon père, je parlais aux fleurs, aux arbres, aux insectes, aux oiseaux et j'avais le sentiment qu'ils me comprenaient, souffrant eux aussi ! Le problème, c'est que je me disais que si mon amoureux du moment me battait, c'est que je le rendais malheureux. Jusqu'au jour où j'ai compris que je nageais en plein délire et que j'attirais des profils de cinglés comme celui de mon père. "...
L'acceptation de la réalité du présent, quelle qu'elle soit, évite de revisiter un passé qui ne peut que générer des compulsions de répétition néfastes. " Être dans le courant de la vie n'est pas toujours aisé ", signale la sophrologue Patricia Penot, auteur de " 4 étapes et je lâche prise ", publié aux Éditions Solar, " car nos blessures et nos rancœurs nous retiennent souvent sur le côté des berges. Nous avons donc à guérir de nos blessures affectives. ". Cependant, il est une certitude mais que nous pouvons étonnamment nier : ces blessures ne sont plus là aujourd'hui et ne sont que des traces mnésiques. Le processus mental de retour en arrière de Clothilde l'a du reste longtemps surprise : " Mon père est décédé lorsque j'avais 15 ans. Il ne pouvait donc plus me battre mais, adulte, je m'obstinais malgré tout à remettre en place, dans mon imaginaire, le triangle : " Coups violents - Voyage dans le jardin de mon enfance - Consolation auprès de la faune et de la flore ! ". Dans cette réactualisation fantasmatique, se loge une vérification inconsciente, inhérente à l'incompréhension et à la souffrance mentale anciennes. L'inconscient part à la recherche d'une éventuelle responsabilité dans le drame récurrent qu'il a subi enfant pour pouvoir justifier sa culpabilité. Un autre inconvénient important se situe dans ce magma libidinal : il s'agit du sentiment d'avoir survécu à une multitude de scénarios dangereux. En conséquence, le (mauvais) narcissisme assoit une quête d'immortalité qui ne conduira qu'à des situations négatives répétitives.

Accepter de lâcher prise
" Si tu es déprimé, tu vis trop dans le passé. Si tu es anxieux, tu vis trop dans le futur. Si tu es en paix, c'est que tu vis dans le présent. ", assure Lao Tzu... Le bonheur d'être soi se situe donc dans chaque instant. Toutefois, leur succession peut englober des perturbations inhérentes à une extériorité déstabilisante. Or, toute douleur psychique résulte du désir impérieux de maîtrise. La maîtrise, curieusement, est un leurre dans la mesure où le temps se modifie toutes les secondes, rendant impalpable l'approche de l'élément perturbateur, approche qui devient dès lors impossible. Ainsi, vouloir dominer le temps et dompter les évènements qu'il englobe relève du mode hallucinatoire. S'ajoute à cette faille un phénomène déroutant, fort bien mis en mots par Carl Gustav Jung : " Tout ce à quoi l'on résiste persiste. "...
. Laurent, 50 ans, agriculteur, confie s'être révolté durant des années contre sa destinée : " Je ne voulais pas reprendre l'exploitation agricole de mes parents. Je les avais trop vus s'épuiser pour faire comme eux. Après une formation, je me suis lancé dans la fabrication d'orgues. C'est sûr que je ne me fatiguais pas beaucoup étant donné que j'avais très peu de clients mais j'étais tout de même écrasé par les charges sociales. Je ne dormais plus. C'est un prêtre qui m'a ouvert les yeux en me faisant remarquer que Dieu me montrait que je n'étais pas à ma place. La propriété de mes parents s'est soudain imposée à moi comme une opportunité qui m'attendait depuis toujours ! ". Patricia Penot précise que " Changer, ce n'est pas être dans une réaction à la vie, ce qui met contre la vie, mais c'est se laisser porter par la vie en lui faisant totalement confiance. ". Elle ajoute à juste titre : " Lorsqu'on ne s'accroche plus à un résultat précis, l'intuition peut prendre la place qui lui revient. Vous vous retrouvez alors à nager dans le sens du courant. ". On pourrait souligner qu'il s'agit alors, et bel et bien, du sens de son propre courant...

 

 

 

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