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A lire : les livres et quelques articles
de Chantal Calatayud,
psychanalyste, didacticienne analytique,
auteur,
parus dans Psychanalyse magazine.

Livres Psy didactiques gratuits de Chantal Calatayud, psychanalyste et didacticienne analytique

Assumer son ambition pour l'exploiter


Il est curieux que de nos jours encore, et en France en particulier, l'ambition renvoie spontanément l'inconscient collectif à la notion de prétention ! Or, le désir d'accéder à un statut social, voire au dénouement satisfaisant d'une situation de blocage, est tout de même légitime...

L'héritage judéo-chrétien a une grande part de responsabilité dans le musellement de la manifestation du don individuel. N'est-il pas écrit dans la Bible : " Quiconque s'élève sera abaissé, et celui qui s'abaisse sera élevé. ". Ou encore : " Aux innocents les mains pleines. "... Il est certain que cette transmission sainte ne doit pas être abordée au premier degré mais c'est pourtant ce qu'ont fait les religions jusqu'il y a peu... Le Talmud, de son côté, assure que " l'ambition détruit son hôte. ". Est-ce cette menace qui a engendré le proverbe québécois : " L'ambition fait mourir son maître. " ? Probablement ! En revanche, l'écrivain Nina Berberova nous apaise en affirmant que " sans ambition, il n'y a pas de talent. "... Être ambitieux présente donc la difficulté essentielle de s'autoriser à être soi. Sans omettre une facette tout aussi limitative pour certains psychismes sous influence car il existe une autre pierre d'achoppement sur le chemin lorsqu'il s'agit de gravir une montagne. Corneille, le dramaturge, n'en était pas dupe, lui qui en avait souffert en son temps, ce qui lui avait fait constater que " toujours, l'ambition déplaît quand elle est assouvie. ". Souvenons-nous qu'il avait commencé sa carrière en tant qu'avocat pour satisfaire les exigences paternelles...

Identifier ses résistances mentales
En règle générale, l'être humain se cache derrière son petit doigt pour être en conformité avec sa filiation. Le problème, c'est que la conscience n'en a pas conscience...
. Amandine*, 59 ans, est restée agricultrice durant deux décennies à la demande muette de ses parents agriculteurs : " Enfant, je ne supportais pas de vivre à la ferme. Je garde le souvenir d'avoir essayé d'éviter pratiquement quotidiennement les flaques d'eau et la boue de la cour lorsque j'y jouais. Je n'étais jamais propre. On entrait directement dans la cuisine et coq, poules, dindes, chats, chiens, évoluaient parmi nous dans cet espace que je trouvais nauséabond. Mes résultats scolaires étaient nuls. Je n'avais plus qu'une solution : travailler dans cette propriété. Fille unique, c'était apparemment logique qu'un jour j'y exerce seule. Et surtout que je ne la vende pas ! Mes parents sont décédés à 6 mois d'écart et j'étais dépassée par cette charge. J'en ai parlé au notaire qui m'a conseillé de me séparer de ce fardeau. Il m'a aidée à m'en défaire. Un couple de jeunes a été ravi de cette acquisition et moi libérée. Mais l'argent récupéré ne pouvait pas me permettre de vivre avec jusqu'à la fin de mes jours. J'ai réfléchi à ma reconversion. J'avais tellement souffert de me sentir comme une souillon que tout ce qui touchait à l'apparence me tentait. J'ai opté pour la coiffure. Mon salon a marché tout de suite ! "... " Nos échecs ", dit la psychothérapeute Marie Borrel, auteur de " 81 façons de penser positif ", publié aux Éditions Guy Trédaniel, " sont en grande partie liés à une mauvaise image de soi. ". Elle ajoute que " plus nous dressons de nous-même un portrait péjoratif, plus nous ouvrons la voie à l'échec. ". Mais encore faut-il faire sauter les verrous qui empêchent d'accéder à notre envie d'être soi.

Authentifier ses capacités
Amandine gardait ainsi en elle le souvenir désagréable d'une enfance qui la dévalorisait : " Du plus loin que je me souvienne, j'aurais aimé être une petite fille coquette... ", confiait-elle tristement. Cette mémoire vivace lui a toutefois permis, le moment venu, de prendre le contre-pied de sa souffrance pour la sublimer. Cependant, fréquemment, les évènements sont plus compliqués...
. Olivier*, 46 ans, astrologue, a longtemps souffert de son poids : " Il est curieux qu'il ait fallu que je fasse une psychanalyse pour comprendre que je punissais mon père, chirurgien, esthétique, en mangeant plus que de raison déjà tout gamin. Ça le rendait d'ailleurs furieux de voir que je m'empâtais chaque année davantage ! Il m'a fait essayer tous les régimes mais j'étais très organisé grâce à ma grand-mère qui me donnait de l'argent, car je victimisais en criant famine, pour que j'aille m'acheter sandwiches et gâteaux que je mangeais en cachette ! Mon ambition consistait à déguster tout ce qui m'était interdit. Mes études au lycée laïc se sont terminées lamentablement par un renvoi et je me suis retrouvé chez les curés vu que mon père était, je le présume, très généreux financièrement avec eux ! Il y avait un prêtre que j'aimais beaucoup et qui me le rendait bien. Passionné par l'astronomie, il m'a intéressé à l'observation des astres. Je suis devenu un véritable astronome amateur. Les planètes me devenaient de plus en plus familières et je me suis mis à mincir ! Ayant toujours de grandes difficultés scolaires et sachant qu'il fallait que je sorte de ce système enseignant, j'ai réfléchi à mon avenir professionnel. Compte tenu de mon niveau, je ne pouvais pas envisager d'être astrophysicien mais je ne me voyais pas vivre sans fréquenter mes planètes chéries. Je ne saurai jamais pourquoi mais l'astrologie s'est imposée à moi et je suis aujourd'hui un astrologue béni ! "... Cet extrait de séance psychanalytique témoigne que chaque individu, malgré des blocages inconscients, peut parvenir à s'affirmer mais la condition sine qua non consiste à ne pas vivre par procuration et à trouver ce qui correspond au meilleur de soi-même. Ceci étant et contre toute attente, l'ambitieux ne met pas d'énergie à savoir si son choix, quel qu'il soit, recevra un accueil favorable ou défavorable de son entourage. La question qu'il peut se poser régulièrement est la même que celle de Gregg Braden, scientifique visionnaire de l'industrie aérospatiale, cité par Olivier : " Est-ce que je m'aime suffisamment pour me rappeler mes dons les plus précieux ? ". En fait, il s'avère indispensable de redéfinir l'ambition vis-à-vis de soi, c'est-à-dire de visualiser ses propres valeurs pour se fixer l'objectif d'un métier qui puisse rendre heureux, processus dont - en plus - la société bénéficie toujours. Cette sorte d'utilité " publique " est un moteur magistral dans la mesure où l'individu est fait avant tout pour donner, recevoir, redistribuer, partager... Ainsi motivation personnelle et individuation conjuguées conduisent-elles sans exception à l'exploitation saine du développement récurrent des capacités intrinsèques. En outre, il est incontournable de revisiter régulièrement les rêves des premières années de l'existence puisque et comme le disait le psychanalyste Bruno Bettelheim, " pour l'enfant, rien n'est plus vrai que ce qu'il désire... "...

 

 

 

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