Si la jalousie est inhérente au fonctionnement humain, elle peut être pathologique. Elle nécessite alors une prise de conscience et, souvent, des soins psychologiques...

L'inconscient reste marqué par les premières années de son existence qui reposent sur la qualité de son développement psychogénétique. Celui-ci est chaotique dans la mesure où, à la base, il touche à l'immaturité pulsionnelle.

Moi-Je
Au début de sa vie, le petit d'Homme fantasme qu'il est le centre du monde, à l'origine de " tout " et que, par conséquent, " tout " lui appartient. Incapable de faire la différence entre objet et sujet, il avance selon un sentiment de possessivité absolue. Il n'y a qu'à d'ailleurs observer un bébé quand un de ses proches s'amuse à lui prendre son jouet : si l'adulte ne le lui restitue pas tout de suite, il s'énerve et commence à pleurer. En grandissant et même s'il n'a pas encore acquis la marche, il laisse tomber son doudou, attendant toutefois qu'il lui soit rendu. Cette approche du détachement est bon signe et, pourtant, en avançant en âge, il est aisé de constater que bien des profils psychiques ne sont pas pleinement libérés de la confusion entre l'autre et soi...
. Reine, 58 ans, ambulancière, était une jalouse maladive : " Ma profession m'amenait à être absente de la maison quand mon mari ne travaillait pas. Ça me rendait folle car j'imaginais qu'il allait en profiter pour donner rendez-vous à sa secrétaire et me tromper avec elle. Quand je rentrais, j'allais dans le dressing et je reniflais le costume qu'il avait porté dans la journée, sûre de déceler des odeurs de parfum féminin. Je vivais un véritable enfer. Quand il allait voir un match de foot à Marseille avec ses copains, alors que nous habitions Avignon, j'imaginais qu'il me mentait et j'essayais de calculer l'heure à laquelle il devrait rentrer. Comme c'était approximatif, dès que les minutes dépassaient l'horaire de retour que j'avais établi, je le 'voyais' dans les bras d'une femme et, quand il arrivait, il avait droit à une scène qu'il ne comprenait pas. Il a fini par me dire que soit j'allais consulter un psy, soit il me quittait. J'ai pris la décision de consulter. Heureusement... "...
Reine relate ici clairement cette impossibilité qu'elle avait à vivre simplement sans la présence immédiate de son époux. Indépendamment d'une problématique abandonnique, majorée par un Complexe d'Œdipe non résolu, son obsession traduisait aussi un besoin impérieux de le contrôler et de chercher à animer des pulsions d'emprise parfaitement inutiles. Cette quête fantasmatique est effectivement vouée à l'échec : n'oublions pas qu'un conjoint, quel qu'il soit, est un être autonome, semblable en apparence mais fondamentalement unique.

L'individuation salvatrice
Le psychologue analytique Carl Gustav Jung définit l'individuation comme étant " une des tâches de la maturité, c'est-à-dire la prise de conscience qu'on est distinct et différent des autres, et l'idée qu'on est soi-même une personne entière, indivisible. ". Cet état indivisible est primordial à saisir puisqu'il induit que se projeter dans l'autre est un mécanisme névrotique qui doit cesser pour guérir de la jalousie...
. Renaud, 37 ans, costumier, se rappelle : " Ma compagne était dans l'incapacité de me dire ce qu'elle aimerait faire le week-end. Elle collait littéralement à mes désirs, me répétant inlassablement que l'important c'était que nous soyons ensemble. J'étouffais. Je caricature mais j'avais l'impression que nous étions une sœur et un frère siamois ! J'essayais de lui expliquer l'intérêt pour la pérennité de notre couple que nous nous épanouissions également de temps en temps chacun de notre côté. Elle le refusait. J'ai décidé de ne plus me laisser faire et là, quand je rentrais d'un restau avec mon pote, je la retrouvais totalement hystérique. J'ai pris la décision de me séparer d'elle. Je ne me voyais pas toute ma vie dans un scénario pareil... "...
Pour ne pas en arriver à cette rupture, il est une évidence qu'il aurait fallu que cette jeune femme fasse un travail sur l'estime de soi. Signalons qu'il ne s'agit pas non plus de s'égarer : la jalousie, ancrée très profondément dans l'enfance chez certains, ne guérit jamais complètement. En revanche, apprendre à la maîtriser règle les conséquences néfastes de cette névrose. Le challenge peut sembler insurmontable, alors qu'il n'en est rien : quelques attitudes de sagesse sont à respecter chaque fois que sa petite voix vient suggérer que le partenaire est en situation d'infidélité :
. Lister toutes les scènes imaginaires passées de trahisons infondées.
. Ressentir les inconvénients émotionnels liés à l'angoisse d'être trompé(e) par son conjoint.
. Réfléchir aux somatisations déclenchées par l'anxiété jalouse.
. Retrouver les retombées involutives sur son couple et sur soi d'une pseudo-rivalité.
. Revisiter la leçon qui a découlé de chaque illusion trompeuse.
. Éprouver la honte liée à ces méprises.
. Sourire de ses élucubrations puériles, résonances de constructions infantiles.
Cette façon récurrente de procéder présente l'avantage de fortifier le discernement qui est au service des pulsions de vie et qui désarme les pulsions de mort. L'important est d'essouffler le processus négatif qui pose un déni sur le principe de réalité. Il s'agit, à l'inverse, d'apprendre à s'interroger sur le niveau de sa dépendance affective et sur les motivations de sa jalousie. En outre, maîtriser sa jalousie consiste à saisir basiquement qu'un couple ne peut fonctionner qu'à la faveur de la complémentarité. L'académicien Jacques de Bourbon-Busset assurait qu' " aimer, c'est trouver - grâce à un autre - sa vérité et aider cet autre à trouver la sienne. C'est créer une complicité passionnée ", ajoutait-il. Ainsi, l'accès à cette maîtrise revient à placer son binôme sentimental sous le signe d'une compassion mutuelle...