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A lire : les livres et quelques articles
de Chantal Calatayud,
psychanalyste, didacticienne analytique,
auteur,
parus dans Psychanalyse magazine.

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Ne pas confondre art et art-thérapie !

Un cursus en art-thérapie n’est pas un enseignement artistique. Cette précision peut sembler surprenante. Pourtant, les art-thérapeutes constatent régulièrement cette confusion lors de demandes de formation qui leur sont adressées. Une confusion qui nécessite plusieurs précisions.

Si l’art-thérapie utilise des médiations à dimension artistique, ces réalisations obtenues par des mains plus ou moins expertes selon leur destination finale n’ont pas pour vocation un quelconque décor. Ainsi, autant un tableau peint dans un souci esthétique pourra dégager une ambiance harmonieuse, autant un tableau peint dans un univers thérapeutique ne s’imposera que dans la mesure où son auteur accepte que ce support raconte au thérapeute ce qui est « tu » à l’intérieur de son inconscient fragilisé car muselé.

L’inconscient en art-thérapie
De tout temps, certains visionnaires ont rendu compte du fait que l’œuvre d’art est une base exégétique à ne pas négliger. Les siècles ont accordé, chacun à leur tour, cette dimension photographique de l’âme à la création. Toutefois, c’est à Jean-Martin Charcot, neurologue français et professeur d’anatomie pathologique, né à Paris le 29 novembre 1825, que l’on doit une grille de lecture méthodologique de l’œuvre artistique. Ce médecin, évoluant professionnellement dans l’univers des hystériques et des psychotiques, postule de l’intérêt de la manifestation artistique pour déceler les points de fixation infantiles qui, non dépassés par le malade, se transforment plus tard en névrose, psycho-névrose ou psychose. Autrement formulé, qu’il s’agisse de la représentation d’un dessin, d’une peinture, que le travail soit une sculpture ou un vêtement, l’inconscient est omniprésent dans le « rendu » libéré par son exécutant.

Une technique de soin
L’art-thérapie, postulée puis validée par la médecine et la psychiatrie en particulier, s’est donc développée et ce, notamment au XXème siècle. Dès les années 50, les hôpitaux psychiatriques ont lancé des programmes d’ateliers artistiques pour leurs malades mentaux, afin de les aider à soulager leur psychisme perturbé. Ces ateliers continuent, pour la plupart, à être dirigés par du personnel infirmier mais rarement formé à l’art-thérapie. Dans ce contexte de prise en charge médicale de patients coupés de la réalité, ces activités se révèlent positives mais il n’est pas question ici de considérer qu’il s’agisse de méthodes fondamentalement art-thérapeutiques. Pour que l’art-thérapie opère, le patient doit avoir toute sa cohérence psychologique. Faut-il rappeler que l’art-thérapie s’appelait au tout début de son existence, c’est-à-dire dès lors que Sigmund Freud s’y est intéressé, la Psychanalyse appliquée (à l’art) ? Autant dire que l’art-thérapie répond point par point à la règle fondamentale analytique, aussi bien du côté de l’art-thérapeute que du patient. Ce point précis conduit à rappeler qu’un art-thérapeute a suivi des études psychanalytiques et, bien entendu, une psychanalyse personnelle afin qu’il puisse travailler en séance avec la certitude d’une neutralité bienveillante, chère à Freud, suffisante. Pour exemple, si l’art-thérapie utilisant chevalet, toile et peinture renvoie à la notion de projections sur le support, pas question que le thérapeute soit, lui, en projection ! Cet aspect est incontournable à saisir puisque toute production artistique réalisée dans un univers art-thérapeutique est interprétée par le professionnel qui doit donc savoir comment fonctionne un inconscient, identifier les points de fixation infantile de son patient durant les cinq premières années de sa vie et authentifier les liens qui se sont tissés de façon muette, à l’insu du conscient, jusqu’au moment où il a décidé de faire une démarche art-thérapeutique. Sans oublier que le thérapeute conduit aussi de façon spécifique chaque séance art-thérapeutique, guidance qui permettra de sa part une interprétation liée au psychisme du consultant. « Lire » une œuvre d’art revient ainsi à se servir d’une grille de lecture psychanalytique qui, resituée dans le contexte psychologique du patient, permet de lui communiquer ce qui le « gêne » dans son évolution. Petit-à-petit, l’inconscient se déleste d’un poids très lourd : ce poids, qui était maintenu à distance du Moi, n’avait de réelle pesanteur que dans la mesure où il s’était donc sédimenté dans les cinq premières années de l’existence. Effectivement, cette immaturité pulsionnelle normale à cet âge avait créé une dramatisation. À la faveur de l’interprétation, l’affect se détache et l’équilibre interne se fait plus harmonieux. C’est ainsi que pour ne plus confondre l’art et l’art-thérapie, il est nécessaire d’avoir à l’esprit que si une œuvre d’art classique se regarde de l’extérieur, toute manifestation, toute œuvre art-thérapeutique se regarde de l’intérieur…

 

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