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A lire : les livres et quelques articles
de Chantal Calatayud,
psychanalyste, didacticienne analytique,
auteur,
parus dans Psychanalyse magazine.

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Le Père Édouard Clivaz

 
 

homme de foi, homme de communication

Licencié en théologie et diplômé en pédagogie religieuse, le Père Édouard Clivaz considère que la “foi est de l’ordre de la relation”. Homme de communication, il réalise des émissions pour le réseau RCF (Radios Chrétiennes de France) et participe au mensuel “Annales d'Issoudun”. Au micro ou en déplacement, il transmet sans détours ses convictions spirituelles. Altruisme, fidélité, respect restent au cœur de ses missions. “Quand je tends mon micro” dit-il “je tends l’oreille”, pour être au plus près de l'autre. À notre tour, nous lui avons tendu le micro. Un moment rare d’authenticité qui fait du bien dans un monde où il devient facile de perdre le sens des réalités.

Psychanalyse Magazine : Le terme “ croyance ” déclenche-t-il votre imaginaire ?
Père Édouard Clivaz : Je n'aime pas parler de croyance ; je préfère parler de foi parce qu'il y a une adhésion à un certain nombre de convictions qui se sont forgées petit à petit dans ma propre vie et qui dépasse, de loin, tout ce qui pourrait être du niveau de la croyance.

P. M.    : La foi appartient-elle au domaine de l'inné ?
P. E. C. : C'est du domaine du don puisque la foi nous est donnée. C'est un don de Dieu et, à ce niveau-là, tant que l'on n'a pas fait, tout comme Claudel derrière son pilier à Notre Dame, l'expérience de sa foi — la rencontre avec Dieu —, on ne peut pas grandir dans la foi.

P. M.    : Très souvent, des sujets − qui disaient avoir la foi −  avouent ne plus croire en Dieu après une tragédie les concernant...
R E. C. : Devant la souffrance, devant une réalité dont on n'a pas la maîtrise, il y a la révolte ; le sujet est alors secoué quant à ses fondements. Il y a un séisme car il faut se poser un certain nombre de questions. C'est ce qui est le plus difficile : accepter de s'asseoir et de se dire : “ Je vis, qu'est-ce qui fera désormais l'essentiel ?

P. M.    : Accordez-vous une place au destin ?
P. E. C. : Mon destin, je ne le connais pas ou si je veux vraiment le connaître, je vais faire appel à l'horoscope ! Je crois plus à une liberté qui nous est donnée par Dieu de gérer notre vie mais pas tout seul, avec d'autres puisque c'est véritablement ensemble que l'on avance en Église... Il s'agit d'une remise en cause constante et, en même temps, il y a la direction que prend l'existence. Un théologien canadien disait : “ Je ne donne pas un sens à ma vie, c'est ma vie qui prend un sens ”. Effectivement, si nous acceptons d'évaluer ce que nous vivons, nous découvrons le sens que prend notre vie et toute la richesse qui nous est donnée de vivre. J'avais un professeur à Paris qui expliquait que “ tout ce qui n'est pas évalué est perdu”.

P. M.   : La justice existe-t-elle ?
P. E. C. : Vaste question ! À un moment donné, on voit bien qu'il y a des différences et c'est là où c'est le plus difficile. La justice est toujours en conflit avec la jalousie et tant que l'on n'arrive pas à gérer cette jalousie au niveau de ce qui fait des différences, on garde un sentiment d'injustice alors qu'en fait, nous sommes complémentaires. Le Christ, lorsqu'il était sur les chemins de Palestine, aidait les Hommes à s'aimer mais aussi à apprendre à s'aimer les uns les autres... La justice ne peut fonctionner que dans cet amour que nous avons les uns par rapport aux autres.

P. M.      : Pensez-vous que le XXIème siècle puisse nous confronter à des dérives ?
P. E. C. : Tant que l'Homme parle de sa religion, de ses croyances, parfaitement ou imparfaitement, cela m'est égal. Ce qui me fait le plus peur par rapport à l'avenir, c'est que l'Homme devienne indifférent à cette dimension spirituelle. Et là, nous risquons, dans les années futures, d'avoir des personnes “ handicapées ” parce qu'elles deviendront indifférentes à toute la part religieuse humaine. Ce qui me fait peur, aussi, c'est le fondamentalisme dans le sens où on érige une religion de manière totalitariste et où le ritualiste et les vérités révélées bloquent l'individu qui n'est plus libre.

P. M.     : Qu'évoque, pour vous, le terme “ miracle ” ?
P. E. C. : L'Homme a certainement besoin d'affronter la vie avec des convictions, sans se dire qu'il est tributaire de telle habitude, de tel courant qui, aujourd'hui, peut être très à la mode ou très tendance.

P. M.     : La religion chrétienne, en particulier, est assez malmenée face à de grandes fresques comme la contraception, l'interruption de grossesse, le sida...
P. E. C. : Actuellement, l'Église a une grande directive : accueillir pastoralement les gens dans leur propre situation. Les êtres humains sont en général très focalisés sur tout ce qui concerne le sexe ou la contraception... Ces choses-là ne constituent pas l'essentiel de la religion...

P. M.      : L'Église prend tout de même en compte l'unicité de l'être ?
P. E. C. : L'équilibre, bien sûr. L'Homme, tant qu'il n'a pas atteint son équilibre, a toujours à travailler à cet équilibre.

P. M.     : Pour en revenir au miracle, n'est-il pas quotidien finalement ?
P. E. C. : Certainement... Le plus grand miracle, c'est ce qui se passe dans le cœur de l'Homme. Il n'y a pas de miracle, même à Lourdes, sans cela. Si une personne retrouve la santé ou l'usage d'un membre, c'est parce qu'elle a fait un travail à l'intérieur d'elle-même.

P. M.    : Que pensez-vous des témoignages de sujets qui disent avoir entendu des voix, vu le Christ se manifester dans leur vie de façon concrète ?
P. E. C. : Je suis très prudent parce que le Dieu ex machina, je n'y crois pas. Il y a toujours la tentation de trouver du merveilleux. Je mise, en fait, beaucoup plus sur les capacités que l'Homme possède en me disant que le Christ est présent dans cet Homme que je rencontre. Ainsi, quand je fais des commentaires à la radio, je suis là comme le souffleur au théâtre ; j'interviens quand il y a des silences pour accompagner la prière de l'auditeur mais en sachant que c'est le Christ qui fait le plus grand travail dans le cœur des gens et qui se réalise.

P. M.     : Psychanalyse et religion : est-ce un couple compatible ?
P. E. C. : Oui. Il y a la possibilité effectivement de pouvoir s'enrichir et de trouver des complémentarités entre la foi et la psychanalyse. J'ai suivi personnellement une psychothérapie qui m'a permis de me resituer sur mes deux pieds... Il faut être bien dans son corps pour pouvoir entrer en relation avec Dieu...

Interview réalisée pour Psychanalyse Magazine en juillet 2005.

 

 

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