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A lire : les livres et quelques articles
de Chantal Calatayud,
psychanalyste, didacticienne analytique,
auteur,
parus dans Psychanalyse magazine.

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L'apprentissage de la lecture
et ses difficultés potentielles


La lecture participe évidemment de tout projet éducatif. Il faut donc insister sur la responsabilité des textes de lectures scolaires qui ignorent, la plupart du temps, la dimension fondamentale de l’inconscient du petit d’Homme.

Le contenu du texte, s’il bouscule le fonctionnement de la psyché, peut entraîner des blocages importants quant à l’apprentissage de la lecture. Il serait intéressant que davantage de psychanalystes soient consultés dès l’élaboration d’une telle méthode…

Une confusion inconsciente possible
Pour Françoise Dolto, le mot « lire » est un mot qui, pour certains enfants, éveille quelque chose de totalement tabou : c’est le lit conjugal des parents. Au moment où l’enfant est en train d’élaborer son interdit de l’inceste, le mot « lit » que leur paraît être le verbe « lire » rend ce mot banni, et les activités qui entourent le fait de lire sont quelque chose qui le met dans un très grand trouble… Françoise Dolto d’ajouter :Bien entendu, les maîtresses d’école ne le savent pas… Ainsi, les textes de lectures scolaires, qui jouent un rôle fondamental dans la construction du sujet, devraient prendre en compte la dimension inconsciente du jeune élève. Ceci dit, le conte peut s'avérer une seconde chance dans le cadre d’un échec scolaire notamment. Effectivement, si l’élaboration psychogénétique est établie au fil des textes, ceux-ci peuvent constituer un apport non négligeable, en particulier pour l’enfant qui présente des troubles psychopathologiques, même si ceux-ci sont discrets, voire plus ou moins masqués. Le conte psychanalytique qui, par essence, respecte le psychisme, participe – de toute évidence – à la mise en place d’une adaptabilité, pouvant aider ainsi à lever « l’encre-age » de la névrose.

Lire, un plaisir ?
Pour qu’un enfant soit à l’aise en lecture, il faut – bien entendu – qu’il ait un langage oral de qualité suffisante, d’autant que lire nécessite, outre le déchiffrage, de dégager le sens du texte ; ce sens est inconsciemment abordé quant à des traces mnésiques affectives et concerne donc l’univers fantasmatique chargé d’émotions. Si le contenu du texte engloutit émotionnellement l’inconscient, apparaîtront résistances et blocages. Les livres de lectures scolaires, tout comme les contes, doivent déclencher l’imaginaire mais les psychanalystes le savent bien, pas de n’importe quelle manière ; effectivement, l’apprentissage de la lecture réussi sera de « l’ordre » du plaisir mais à l’unique condition que le langage transmis par le texte écrit ait respecté de son côté l’organisation psychique. Il est indispensable de donner les moyens à tout enfant d’aimer la lecture, ce qui revient donc à l’amener à découvrir le désir de lire ; ainsi s’imposera un aspect récréatif, fondamental, qui produira un enthousiasme suffisant pour que l’inconscient ne fasse pas barrage.

Des perspectives structurantes
Si lire doit séduire, tout texte de lecture revêt – encore une fois – une importance capitale dans le sens où son contenu devra s’apparenter à la prudence. Effectivement, les effets d’une histoire en apparence banale peuvent être très négatifs pour plus tard car, outre les phonèmes qui véhiculent une signification subjective, la chronologie des textes de lectures se relie à l’histoire individuelle et familiale de l’enfant. Plaisir de lire certes mais il ne faut jamais oublier que chacunintrojectera ce voyage singulier au travers de ses fantasmes, de ses incompréhensions, de ses limites, de ses souffrances… La responsabilité d’un texte est réelle et trop d’histoires circulent librement publiées qui occultent la complexité de la vie psychique, notamment avant la période de latence, c’est-à-dire avant l’âge de six-sept ans. Pour que les portes de la socialisation et de l’humanisation s’ouvrent sur des perspectives structurantes, il faut que lire permette à l’enfant de mettre en place la distance juste entre sensibilité et savoir.

 

 

 

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