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A lire : les livres et quelques articles
de Chantal Calatayud,
psychanalyste, didacticienne analytique,
auteur,
parus dans Psychanalyse magazine.

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Privée de dessert !


Zoé est âgée de 5 ans. Depuis environ six mois, sa maman assure, en la regardant jouer, qu’elle prive toujours sa poupée de dessert ! La petite fille tente ainsi d’expliquer à sa manière ce dont elle souffre…

Bien avant Françoise Dolto, la tout aussi célèbre psychanalyste Melanie Klein a ouvert la voie de la compréhension des troubles comportementaux de l’enfant en utilisant le jeu comme miroir parlant.

Comme les grands…
Zoé prend soin de sa poupée qu’elle a prénommée Alison, comme sa meilleure copine d’école dit-elle. La poupée reçoit donc toutes les attentions et les meilleurs traitements : souvent changée, vêtue de tenues harmonieuses, bien coiffée, Zoé a créé un monde logique autour de celle qu’elle chérit tant. Ainsi Alison est-elle habillée en fonction des saisons et des activités qu’elle est censée pratiquer. Aucune erreur, aucune anomalie repérables dans ce premier type d’identification.

La punition
Zoé adore faire la classe à sa poupée. Rien ne manque au scénario : Alison est assise sur une petite chaise d’enfant devant un bureau adapté. Un peu plus loin se trouve le tableau. Zoé est bien entendu la maîtresse. Le plus souvent, la poupée est félicitée pour son excellent travail. Vient ensuite le moment de la cantine. Changement de décor avec l’installation minutieuse de la dînette. Zoé reproche alors à la poupée de se tenir très mal à table et la prive systématiquement de dessert, ce que l’enfant n’a pu en aucun cas vivre à la cantine, ni auprès de ses parents, ce que confirme la maman.

L’explication
Après observation, on constate que Zoé ne donne jamais de fourchette à Alison et lui reproche ensuite de manger avec ses doigts, tout en criant très fort qu’elle la prive de dessert pour cette raison ! En consultation, la psychanalyste demande à la petite fille pour quelle raison elle ne donne jamais de fourchette à Alison… La réponse est étonnante :
- Parce qu’une fourchette, c’est pas bien…
> C’est pas bien pourquoi ?
- On peut mourir…
> Ah bon ?
- Papy il est mort avec sa fourchette parce qu’il mangeait trop de gâteaux…
Renseignements pris auprès de la maman, le grand-père de Zoé était effectivement décrit comme une bonne fourchette. Faisant beaucoup d’excès de table et extrêmement gourmand, son cœur avait fini par lâcher… Au moment de son décès, l’enfant avait deux ans. Bien que dans la période préverbale, son inconscient avait enregistré certains termes. Mais, en raison de son immaturité psychologique de l’époque, elle n’avait pas pu établir les liens corrects. D’où sa mauvaise association entre le mot fourchette au sens propre et la fourchette au sens figuré. Ainsi, la fourchette associée à la gourmandise (le dessert) ne pouvait, fantasmatiquement, qu’être synonyme de mort. Pour que cesse cette confusion, sur les conseils de la psychanalyste, la maman de Zoé lui a parlé simplement de son grand-père mais en utilisant un vocabulaire évident pour la petite fille et extrêmement positif. Les épisodes punitifs projetés sur la poupée cessèrent un mois plus tard.


 

 

 

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