Il est des phrases tellement vues, lues et relues, qu'elles semblent évidentes. Toutefois, leur sens n'est généralement pas intégré et cette certitude se manifeste par un sentiment d'incompréhension et de solitude qui s'incruste, devenant difficile à déloger malgré le temps qui passe...

La logique psychologique qui consiste à rappeler qu'il est indispensable de s'aimer pour se réaliser fait partie de ces répétitions. Aussi importante que soit cette sagesse, elle peut rester totalement hermétique à sa mise en application. La raison en est simple : l'inconscient décide de se mettre en mode conditionnel pour une durée indéfinie ! Or, la vie ne se conjugue pas avec des " si " qui implicitent des hypothèses. Quoi qu'il en soit, il n'y a rien à imposer à l'existence, combien même s'agit-il de la sienne ! En outre et comme le souligne le psychologue analytique Carl Gustav Jung, " tout ce à quoi l'on résiste persiste "...

L'erreur : vouloir transformer ce qui est
Il n'y a pas si longtemps, l'enfant devait accepter la nourriture qui lui était servie, même si elle ne l'attirait pas du tout. Sans faire l'apologie d'une éducation psychorigide, il est certain que, peu à peu et avec le passage progressif à l'âge adulte, ce type d'injonction se retrouvait éclairée par le sens figuré...
. Gaspar, 46 ans, décorateur d'intérieur, confirme cette résonance en provenance du monde de l'enfance : " Mon père, élevé seulement par sa mère qui avait été abandonnée par son amoureux alors qu'elle était célibataire et enceinte, connaissait le prix des mets alimentaires car les repas dans sa jeunesse étaient maigres. Il ne supportait pas que je laisse la moindre pâte dans mon assiette ! J'ai beaucoup souffert de sa sévérité. Je ne lui en ai plus voulu le jour où j'ai entendu, lors d'une conférence d'un moine bouddhiste, que - pour ne pas souffrir - nous devions accepter notre existence telle qu'elle est... ".
La psychothérapeute Marie Borrel, auteur de " 81 façons de faire la paix avec ses parents ", publié aux éditions Guy Trédaniel, explique qu'il est très important d'accepter, en totalité, l'héritage parental que nous avons reçu : " Le bon et le mauvais, le pire et le meilleur, car tout cela nous constitue. ". Elle ajoute : " Et nous ne pouvons qu'accepter ce que nous sommes aujourd'hui pour avoir une chance d'évoluer vers demain, dans la liberté et l'autonomie ! "... Effectivement, il s'agit-là d'un cadeau à se faire, cadeau pétri de surcroît de fondements altruistes dont l'entourage, quel qu'il soit, bénéficiera par conséquent...

Apprendre à s'apprécier pour se réaliser
En dehors de l'évidence que certaines facettes de l'existence ne pourront jamais nous convenir intégralement, l'important consiste à ne pas faire de fixation sur elles. Bien au contraire même : une clé indispensable demande à les transformer en opportunités de l'ordre de dépassements de soi. Cette voie permet d'apprendre à authentifier sa propre valeur...
. Vanessa, 36 ans, esthéticienne, rapporte combien une surveillante malveillante, dans l'hôpital où elle travaillait autrefois comme aide soignante, est devenue à son insu consciente un véritable " stimulant " : " Je n'avais pas d'autre choix que celui de travailler, mon mari ayant de son côté un salaire très mince. Comme cette chef me persécutait et qu'il n'était pas question que je rentre dans son jeu malsain puisqu'elle recherchait le conflit en permanence avec ses brimades minables, j'ai fini par me dire qu'elle devait être très malheureuse pour s'en prendre ainsi au personnel. Mon stress a disparu et je suis allée travailler le cœur plus léger. Un jour, ma belle-sœur m'a dit qu'elle allait commencer une formation d'esthéticienne en cours du soir et le week-end. J'ai eu un déclic : j'ai eu envie moi aussi de faire cette formation, sauf que j'avais des horaires juste pas possibles ! J'ai quand même pris rendez-vous avec la formatrice. Je lui ai expliqué mon problème et elle a bien voulu m'aménager des horaires à la carte ! "...
Le psychanalyste Gilbert Roux explique que " Vanessa a pu mettre en place ce changement professionnel ayant lâché prise au préalable avec sa supérieure hiérarchique en ne la jugeant plus. ". Ce processus a assurément permis un détachement qui a entraîné chez elle une récupération d'énergie importante qu'elle a mise au service de son ambition et de son individuation. La jeune femme se décrit d'ailleurs aujourd'hui comme " une esthéticienne heureuse de rendre sa clientèle heureuse ". Elle précise que son bonheur est complet quand elle parvient à apprendre à ses clientes à s'accepter telles qu'elles sont...
Il est intéressant de constater d'autre part dans l'exemple de cette esthéticienne qu'en visualisant le mal-être de sa surveillante, elle parlait sans le savoir de son propre mal-être, n'étant pas à sa place dans son premier métier. Une triade à admettre est cependant nécessaire à toute réalisation dans la mesure où il n'est pas question de vouloir mais de désirer : stress négatif - détachement - affirmation. La nature intrinsèque de l'individu ne peut émerger qu'à la faveur de ce trinôme, ce qui signifie que toute hystérisation non réfutée est le miroir vectoriel positif d'une réalité : on ne combat pas l'erreur par l'erreur. Autrement formulé, il faut éviter à tout prix de s'identifier à l'agresseur pour quitter une situation anxiogène révélatrice d'un faux-self. À l'inverse, réveiller ses potentialités revient à saisir que chaque obstacle sur le chemin est la garantie absolue d'une profonde transformation intérieure...