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A lire : les livres et quelques articles
de Chantal Calatayud,
psychanalyste, didacticienne analytique,
auteur,
parus dans Psychanalyse magazine.

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la version en ligne du livre de Chantal Calatayud

" Les secrets de la longévité d'un couple "

Editions Villon
Collection " Vivre heureux tout simplement... "

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Les couples qui durent existent et sont même légion…
Qui sont-ils donc ces heureux élus qui traversent leur existence sans rien vouloir montrer d’exceptionnel dans leurs attitudes amoureuses ? Qui sont-ils donc encore ces individus en voie de disparition qui s’aiment depuis plusieurs décennies ? Qui sont-ils aussi tous ceux qui, après être passés devant Monsieur le Maire – ou pas –, ont pu finir par faire de leur quotidien à deux une sorte d’évidence banale déroutante : celle qui déclenche chez bien des exclus de ce registre incontestable d’une forme de bonheur enviable le désir d’y accéder ?
Cet ouvrage répond clairement à ces questions en utilisant des situations conjugales concrètes. Ici, le fil conducteur ne fait jamais l’impasse sur le fait que le plaisir à vivre à deux existe en son principe à deux conditions : d’une part de façon manifeste (bonne humeur, drôlerie, humour, joie), d’autre part de façon muette (paix, stabilité, équilibre). Les couples heureux dans le temps le savent et invitent à faire comme eux...

 



 

Chapitre II

Stop au cannibalisme déguisé !


L’amour constitue un vaste sujet. Il existe de multiples raisons à cela. Un élément prépondérant joue cependant un rôle particulièrement déroutant : la subjectivité qui conditionne ce que Émile Durkheim, sociologue du XIXème siècle, appelle déjà de façon moderne, la désirabilité. La plus ou moindre grande capacité à aimer, voire certaines résistances à aimer, viennent aussi d’un trouble lié, à son origine, à une difficulté de discernement : l’être humain souffre d’une confusion entre satisfaction et joie. De fait et de manière approximative, il décline plutôt la gamme de ses émotions et de ses sentiments positifs sous l’angle de l’enthousiasme. Or, un couple qui désire s’installer ou s’installe confortablement dans le bonheur ne s’enthousiasme pas mutuellement pour un oui ou pour un non ! Le parcours est beaucoup plus sérieux. Explications.

Très vite, l’enthousiasme flirte avec la sympathie, accouplée à une sorte de séduction pas foncièrement neutre. Cette émergence n’est jamais que l’expression finale d’un système de valeurs peu conformes au véritable respect d’autrui. Certes, si s’exprime ici une sorte d’intervention, de tentative et de réflexe humains, il n’en demeure pas moins que l’amour qui s’impose dans le temps, c’est tout autre chose encore. Il n’y a surtout pas de compassion dans cette conception. Autrement formulé, l’autre élément du couple n’a aucunement besoin d’une espèce de complaisance infantilisante dans sa relation affectueuse. Admettons d’ailleurs que trop de recherche de compréhension adulte-aimant / adulte-aimé rejoint très vite un besoin d’engloutir l’être « chéri ». Ce comportement vampirisant peut facilement être ressenti par celui-ci comme quelque chose de suspect. À juste raison !

Ces simples remarques permettent de réaliser aisément que l’amour ne supporte en aucun cas d’être réduit. Pour que l’amour rime avec toujours, les privilégiés qui bénéficient de ce cadeau de la vie ont de bien jolies recettes. S’ils les appliquent, pour la plupart d’entre eux instinctivement, certains exercices pratiques offrent l’avantage d’en acquérir sans difficulté les mécanismes.

Exercice n° 1

  • L’excellent moyen de supprimer définitivement toute mauvaise pulsion de réduction à l’écoute de votre partenaire consiste à avoir le réflexe immédiat de vous remémorer rapidement un souvenir dans lequel vous avez été diminué(e) par un  interlocuteur.
  • En quelques secondes, vous stopperez vos élans cannibaliques.

 Cette reconsidération du lien suggère d’emblée des solutions appropriées à une confiance mutuelle, présente sur tout chemin amoureux pérenne.

Si un homme et une femme connaissent des différences anatomiques, physiques, il ne s’agit pas pour autant de « rétrécir » sa compagne ou son compagnon en utilisant une hiérarchie dans les attributions quotidiennes et la répartition des actions. Pour exemple, s’il est normal que Monsieur change les tuiles cassées du toit, il n’est pas normal, sous prétexte que Monsieur Muscle a œuvré toute la journée dans le jardin et élagué les arbres, que Madame soit reléguée – par voie de conséquence – à se débattre seule avec la feuille d’imposition. Cette mauvaise distribution des rôles est souvent la grande responsable de ce que la philosophie considère comme étant un conflit de devoirs. Dans le cas précité, il est à constater en effet que l’individu (mâle), tout en assumant au vu et au su de tous son rôle phallique, renvoie totalement – après mauvaise déduction – l’élément féminin à une fonction qui lui incombe, à lui aussi, en partie : la feuille d’impôt dont il s’exclut alors qu’il est fiscalisé pour moitié ! Cette autre forme de cannibalisme déguisé est redoutable dans la mesure où ce macho descendra héroïquement du toit, sa mission accomplie, alors que l’épouse suera sang et eau, pour « sécher », in fine, lamentablement, devant l’obligation administrative complexe. Or, un solide système de valeurs communautaires prend appui sur un principe autrement équitable.

Exercice n° 2

  • Écolier, dans quelles circonstances vous êtes-vous senti abandonné, au point peut-être d’avoir paniqué ?
  • Ce simple retour en arrière, sur vous-même, vous ouvrira de nouvelles perspectives de communication. De celles qui prennent en compte toutes les situations que vous devez assumer. Sans tri aucun.

Régénérer continuellement la vie à deux passe, de facto, par une conception positive de la force intrinsèque féminine et de la force extrinsèque masculine. Effectivement, l’homme est – en son essence – un prédateur ; il teste, mesure, amplifie sa combativité (grâce) à l’extérieur : la loi de l’altérité et ses règles. C’est de cette combativité qu’il nourrira la femme ; celle-ci y puisera, entre autres, la persévérance. Cet axiome se vérifie sans cesse chez les sujets qui regardent dans la même direction, bras dessus, bras dessous. En fait, s’ils voient la vie en rose, ils ne font rien d’exceptionnel. À une nuance près tout de même : ils évitent de s’importuner. Non pas que l’union amoureuse soit une entreprise aux apparences de multinationale, mais seulement parce que l’hyper-exigence dirigée vers le partenaire mâle, notamment, l’étouffe (contre nature) au point de l’inhiber. Gare, d’ailleurs, au moment où le combat déloyal est tel que mieux vaut se faire tout petit – du moins le croit-il – pour son plus grand malheur…

Si les affectifs tranquilles avaient à être fiers d’une singularité qui les auréole, ce serait sûrement d’un atout indéniable : leur indépendance. Les grandes réussites conjugales ont su apprivoiser et négocier leur jardin secret respectif. C’est-à-dire que ce que l’on retrouve en commun chez eux, c’est cette possibilité sans cesse renouvelée d’évoluer selon des axes de ressourcement qui leur sont propres. Ils ne permettent en aucun cas que leur « moitié » marche sur leurs plates-bandes. Ainsi, chaque élément du couple respecte les centres d’intérêt de l’autre, combien même lui sont-ils étrangers. Sans chercher à s’y immiscer. Par voie de conséquence, certains de leurs amis peuvent être différents… Curieusement, la vraie complicité se situe ici : accepter que la personne aimée apprécie de jouir de l’intérêt et du bien-fondé de secteurs de détente, de loisirs, de culture, sans que ces expériences soient nécessairement visitées par celui qui n’y participe pas : l’alliance se fortifie dès lors puisque l’imagination s’active jusqu’à mettre en place de quoi réunifier le lien, obligatoirement un peu distendu par occupations dissociées interposées.

Exercice n° 3

  • Adolescent, vous avez sûrement au moins une fois souffert d’une sorte d’inquisition de la part de vos parents. Ceux-ci ont bien dû vous poser quelques questions indiscrètes qui vous ont mis mal à l’aise. Rappelez-vous leurs interrogations. Notez-les par écrit. Notez ensuite votre embarras d’alors.
  • Il vous sera désormais plus facile de ne pas exiger d’autrui qu’il vous raconte dans les menus détails ses activités en dehors de vous. Vous prendrez l’habitude d’avoir le recul suffisant pour ne plus développer de suspicion irrespectueuse. 

Mais peut-on aller jusqu’à envisager raisonnablement une notion de préservation amoureuse (incontournable) ?

Tout à fait… Cette règle de conduite, bien que ne s’apparentant pas à un idéal, doit être prise en compte si vous souhaitez voir votre union tenir le coup malgré les embûches récurrentes qui jalonnent le parcours à foison. Cependant, tout désir de préservation impose de ne jamais laisser l’autre décider à votre place ! Le bon plan pour que, chaque soir, vous vous endormiez fidèlement dans les bras l’un de l’autre, nécessite de savoir prendre votre part de responsabilités. Sinon, le scénario sera toujours le même. À savoir que vous vous sentirez (et ce sera vrai) encore davantage diminué(e), bouffé(e) même ! Stop, trois fois stop, cent, mille fois stop au cannibalisme plus ou moins évident. Mais, n’oubliez pas qu’il n’est pas question de vous « défiler ». Y compris face aux décisions qui vous engagent manifestement.

La vie est effectivement faite de problèmes que nous avons charge de résoudre. La multiplicité des formes problématiques nous égare, nous conduisant à demander systématiquement l’avis d’un tiers. Et quand on partage la même couche, il est naturellement plus facile de s’étayer : les Tu ferais quoi à ma place ? nous viennent spontanément à l’esprit pour notre plus grand désarroi à venir... À cet instant, on met la balle dans le camp du récepteur qui ne se privera pas de nous traiter d’incompétent(e), d’indécis(e) car l’occasion est trop belle pour que le sollicité la laisse passer ! La solidarité nécessaire ne prend pas ces allures-là. La dignité encore moins. Mettre l’interlocuteur à notre place nous la fait perdre ! En lui donnant une valeur qu’il n’a pas dans ce cas (chacun de nous étant unique, nous seuls possédons les réponses à nos questions, comme le rappelle le principe même de la cure psychanalytique), on rapetisse. Responsable de cet auto rapetissement, l’autre en profite ! C’est humain. C’est ainsi que se trouve complètement bloqué le système de droits et d’obligations réciproques : à donner l’impression, l’illusion, de ne pas savoir, le récepteur (ce « supposé-savoir ») sait tout. Sur tout ! Dorénavant, un océan nous sépare. Pratiqué névrotiquement au fil des jours, le processus nous fait disparaître. C’est d’ailleurs la porte ouverte aux trahisons affectives. À l’opposé, faire vivre son couple au fil des années requiert de se prendre en main, de se faire confiance et d’endosser ce qui nous incombe.

Exercice n° 4

  • Lorsque vous n’arrivez pas à résoudre une difficulté, passez en revue le nombre de fois où vous avez vaincu une résistance. Vous objectiverez, en premier lieu, que le chiffre de vos réussites est supérieur à celui de vos échecs ! De plus, seront mises en exergue les compulsions qui ont généré le bon déclic. Il vous suffira à nouveau de les mettre en pratique.
  • Ainsi, et indépendamment de la disparition du problème, non seulement vous n’aurez pas pris la moindre énergie à votre conjoint mais encore bénéficierez-vous de ses félicitations !

Enfin, il est trop facile de (se) dire qu’avec le temps qui passe, la routine s’est invitée à votre table et dans votre lit. Inutile de rappeler que certains fêtent leurs noces de diamant. Le temps n’a donc aucune conséquence désastreuse, aucune emprise affligeante sur eux ! La raison ? Elle n’a rien d’extraordinaire. Il suffit à l’identique de remonter justement et en imagination les années et de revenir au moment précis de votre rencontre amoureuse. Paradoxalement, cet instant magique avait mis en action et en interaction une dynamique étonnante : une relation extrêmement fusionnelle mais cependant pas (encore !) cannibalique. Un sérieux distinguo est à établir tout de suite. Au début du coup de foudre (même si on a l’impression que ce n’était pas le cas, il faut savoir que l’alchimie a opéré de façon sidérale inconsciemment, au point parfois de se retrouver des années plus tard pour s’unir véritablement !), on a eu plutôt tendance à se voir le plus souvent possible, à se quitter le plus rarement possible : il n’y avait toutefois pas le moindre projet d’incorporer l’autre à soi. Effectivement, au début de tout rapport amoureux, il n’existe, psychologiquement parlant, aucun risque fantasmatique de perdre l’autre. Cela vous étonne ? Et pourtant, Sigmund Freud, le maître de la psychanalyse, a démontré que ce qu’il a déterminé comme étant des réflexes, des attitudes, des comportements abandonniques, ne surviennent jamais lors de l’instauration du lien affectif. Il faudra un certain temps pour que l’inconscient ait quelques doutes à type d’angoisse de séparation pour qu’après la fusion, il y ait recherche d’appropriation de ce que l’on imagine à tort comme étant son double. Il est nécessaire (et psychophysiologique) que consciemment, le passionné ait fait l’expérience du vide ressenti, puis de la non-maîtrise de l’existence de l’autre, pour que s’actionne impérativement une impression, de l’ordre d’un risque, que l’aimé puisse nous échapper et qu’on puisse le perdre. Ainsi, le fait de revenir à l’époque de la rencontre amoureuse et de la rejouer (comme au premier jour), à chaque désaccord conjugal, permet d’éviter les prémices d’une rupture. Retenons donc que fusionner ne signifie pas dévorer !

Exercice n° 5

  • Le jour où vous l’avez rencontré(e), comment étiez-vous :

· habillé(e) ?
· coiffé(e) ?
· quelle voiture aviez-vous ?
· qui vous accompagnait ?
· quel temps faisait-il ?
· quel était le lieu ?
· etc.

  • Autant de recherches de conflits, autant de retours en arrière jusqu’à ce jour où vous vous êtes séduits. N’hésitez surtout pas à revivre ce moment fabuleux.  
  • Vous connaîtrez ainsi les émois de tous les couples qui durent et aurez, plus que jamais, la possibilité et l’envie de vous identifier à eux. 

En fait, les relations durables s’octroient la sagesse de faire de l’amour un jeu d’enfant. Et c’est bien ainsi. Lorsque le petit d’Homme joue, il est toujours branché solution parce que lorsqu’il s’amuse, il combat des démons imaginaires. Curieusement, même s’il feint tuer quelque animal redoutable, vous ne le verrez jamais mimer le dépecer, le faire cuire, le manger. Surprenant ? Peut-être… Mais, à la réflexion, si certains rites cannibaliques ont eu comme croyances, en leurs fondements, que le fait de manger certains organes de leurs victimes leur permettait de bénéficier des qualités liées à ces organes, l’enfant n’a pas besoin de passer par la moindre impulsion d’introjection dans le jeu. Il a instinctivement compris que pour s’amuser le plus longtemps possible, il s’avère indispensable de respecter les agissements de tous les personnages qu’il anime. Sinon, il n’existerait plus comme « actant » de ses scenarii. À l’instar de ce bon comportement ludique, les duos/passion acceptent donc que soit effectif le principe même de l’autonomie : s’affirmer sans menacer…

 

 

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