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A lire : les livres et quelques articles
de Chantal Calatayud,
psychanalyste, didacticienne analytique,
auteur,
parus dans Psychanalyse magazine.

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la version en ligne ou numérique téléchargeable
du livre de Chantal Calatayud

" 55 minutes avec Freud "

Editions Villon
Collection " Vivre heureux tout simplement... "

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La psychanalyse pourrait se résumer à envisager cette technique comme permettant de régler toutes les catégories de névrose d’échec. C’est-à-dire dépasser les résistances inconscientes, celles qui empêchent l’être humain d’exister fondamentalement et de se réaliser. Cependant, la pratique de la méthode freudienne est moins simpliste qu’il n’y paraît ou que certains ne l’imaginent...


S'appuyant sur une méthode et une méthodologie rigoureuses, Chantal Calatayud restitue avec précision et professionnalisme, à l'aide d'un cas clinique précis, ce qui se joue et se dénoue dans le transfert et l'espace/temps de la cure psychanalytique.

 

 

Epilogue

 

Léopoldine Hugo, le drame de ce génie littéraire : Léopoldine, jeune mariée, dont la barque chavire alors qu’elle a 20 ans et qu’elle se noie avec son jeune époux, Charles. Ce qui marquera sûrement à jamais sa sœur Adèle qui sombrera dans la psychose, même si la fragilité de son terrain psychologique a joué défavorablement. Mais, en quoi Lucie – avec le choix volontaire de ce prénom pour sa seconde fille – peut-elle faire envisager la fin de son analyse ?


Certains psychanalystes s’y refuseraient sûrement, voyant ici une compulsion de répétition pointer son nez. Ceci étant, l’analysante a anticipé une scansion et une interprétation possible. Autrement formulé, il ne s’agit pas non plus de faire de la psychanalyse un étau supplémentaire. Le risque, dans le cas de cette patiente, serait d’impliciter qu’elle court un nouveau danger du même ordre que la tragédie qu’elle a connue avec son premier enfant. On serait, de fait, quasiment dans la suggestion… Dans le même ordre d’idées, si l’on revisite de nos jours les deux cas célèbres de la Psychanalyse, traités par Sigmund Freud lui-même : « L’homme aux rats », Ernst Lanzer, et « L’homme aux loups », Sergueï Constantinovitch Pankejeff, on peut soulever certaines questions sur la fin de ces deux cures.


La cure d’Ernst Lanzer est répertoriée aujourd’hui comme la réussite et l’aboutissement d’une méthode. Il s’agit d’un homme, élevé dans un milieu juif de la bourgeoisie moyenne viennoise du XIXème siècle, où la lutte des classes sociales domine. Ce qui engendre des conflits affectifs, sur fond d’amours contrariés, où l’on devine des couples ancillaires et leurs conséquences puisque dans ces filiations règne une psychorigidité solidement ancrée. Militaire de carrière, et trois ans après la mort de son père, Lanzer débute des persécutions obsessionnelles sexuelles dominées par des pulsions de mort irrépressibles. Suicidaire, il est suivi par le docteur Julius Wagner-Jauregg, psychiatre reconnu, qui ne fait pas grand cas des rêves plutôt éveillés de son patient qui manifestent de façon récurrente une impulsion à se présenter à des concours, sans en avoir le niveau et avant la date officielle de l’examen… En 1907, « l’homme aux rats » entend un récit horrible asséné par le capitaine Nemeczek, enclin pathologiquement aux châtiments et autres sévices corporels : il s’agit d’un supplice exigeant d’un prisonnier qu’il se mette nu, agenouillé, le dos penché en avant. Sur le postérieur du condamné est installé et ficelé un récipient percé à l’intérieur duquel se trouve un rat affamé. Un fil de fer brûlant est placé et agité dans le pot par un orifice, le rongeur subit des brûlures et est ainsi dirigé vers l’anus de la victime. Le rat pénètre par cette voie anale le torturé. Ce supplice entraîne, irrémédiablement, la mort de l’animal et celle de l’homme qui succombe à des blessures horribles… Ce récit, narré lors d’un exercice militaire, milieu masculin par essence, va avoir un retentissement énorme sur les facultés mentales de Lanzer, déjà bien abîmées… Il devient obsédé par les rats, obsession à laquelle il associe une dette de jeu de son père jamais remboursée. Même si Freud note que son patient évoque ici l’horreur d’une jouissance par lui-même ignorée, il en fait une interprétation étonnante : le petit Ernst, à l’âge de 6 ans environ, se serait masturbé et son père l’aurait en quelque sorte castré (fantasmatiquement). Bien que Lanzer ait été tout à fait d’accord avec cette interprétation, ne pourrait-on voir d’emblée dans cette forme d’acceptation interprétative un transfert dans lequel le psychanalyste prend la place du père, à plus d’un titre d’ailleurs ? Ce que Freud interprètera ensuite, indirectement, insistant sur le fait que Lanzer, se libérant grâce à son récit morbide, met à nu son érotisme anal. Mais même si la notion d’argent intervient dans les associations libres de ce patient, n’y verrait-on pas, également, au XXIème siècle, un déni de l’homosexualité chez Lanzer ?


Pour « L’homme aux loups », on peut – là encore – se poser quelques questions : sa cure analytique n’est pas très longue, de janvier 1910 au mois de juin 1914. Sergueï Pankejeff (1887-1979) est issu d’une famille de la noblesse terrienne russe. Ses parents sont dépressifs et Pierre, son oncle paternel, paranoïaque. Son père et sa sœur Anne se suicideront d’ailleurs… Vers l’âge de 10 ans, le petit Sergueï donne à voir des troubles névrotiques graves. Jeune adulte, il sombre à son tour dans la dépression, au point que le docteur Emil Kraepelin pose un diagnostic de psychose maniaco-dépressive. C’est ainsi que Freud reçoit Pankejeff. Le psychanalyste critique alors vertement les traitements médicaux prescrits à son patient qui souffre, selon lui, d’une famille qui ne supporte pas les alliances unissant amoureusement des individus d’origines sociales différentes. Ce qui était effectivement le cas de Sergueï, épris de Teresa, une roturière. Alors que son précédent psychiatre avait mis en cause médicalement cette liaison, allant jusqu’à l’interdire à Pankejeff afin de maintenir un état psychologique à peu près cohérent, Freud l’incite à épouser la jeune femme ! Le patient lui en est très reconnaissant, se disant guéri. Le maître de la psychanalyse avait entre temps posé un diagnostic très précis : hystérie d’angoisse, convertie en névrose infantile, à la suite du récit d’un rêve que Sergueï avait fait à l’âge de 4 ans : « J’ai rêvé qu’il fait nuit et que je me suis couché dans mon lit. Je sais que c’était l’hiver. Tout à coup la fenêtre s’ouvre d’elle-même et je vois avec grande frayeur que sur le grand noyer devant la fenêtre quelques loups blancs sont assis. Il y en avait six ou sept. Les loups étaient tout blancs et avaient plutôt l’air de renards ou de chiens bergers car ils avaient de grandes queues comme les renards et leurs oreilles étaient dressées comme chez les chiens quand ils font attention à quelque chose. Dans une grande angoisse, manifestement, d’être mangé par les loups, je criai et me réveillai »… Ce sont d’autres souvenirs encore de Pankejeff, en lien avec la sexualité infantile, qui font interpréter la genèse du problème psychologique de Sergueï comme remontant à une scène primitive, c’est-à-dire une scène de rapports sexuels de ses parents qu’il aurait vue à l’âge de dix-huit mois.


Pour le psychanalyste et son patient, la cure de celui-ci était donc achevée, les interprétations ayant toutes été validées par Sergueï lui-même. Les années se succédant, au gré notamment des affres de la guerre et de ses conséquences économiques désastreuses, Pankejeff sombre à nouveau dans la dépression. Freud contacté accepte de recevoir son patient (de novembre 1919 à février 1920) : il s’agirait d’une « post-cure » pour liquider définitivement un reliquat transférentiel afin que Pankejeff recouvre une vie normale… Rien ne se passa ainsi : le malade voyait son état s’aggraver. Freud l’envoie alors à Ruth Mack-Brunswick qui diagnostique une paranoïa, diagnostic qui entraînera une scission dans le monde psychanalytique de l’époque. Le cas de « L’homme aux loups » était déjà largement connu de ce milieu professionnel : certains y virent une névrose, d’autres une psychose !

Quoi qu’il en soit, la difficulté reste le transfert. Voire le contre-transfert qui, bien qu’attaqué de façon excessive par quelques courants psychanalytiques, et sans impliquer de mécanisme projectif de la part du professionnel de la psyché, lie – malgré une distance évidente – et relie indissociablement à chaque séance l’analyste et son patient. Le contre-transfert abrite des suggestions phonatoires contenues dans les mots qui peuvent faire écho dans l’histoire du psychanalyste. Seule sa « neutralité bienveillante » reste garante du bien-fondé de ses choix de renvois langagiers aux sonorités précises et déterminées. C’est de la sorte qu’au fil du temps, un accord implicite émerge, laissant ces deux acteurs sans voix. Arrive ce moment singulier de la cure où on n’a plus rien à se dire… C’est ici que se situe ce que Gérard Pommier, psychanalyste contemporain, nomme en quelque sorte le dénouement de l’analyse. C’est en ce temps libidinal que l’analysé se sépare de ce qui n’était ni lui, ni à lui. Ce qu’est parvenu à réaliser Lucie qui saura permettre à son tour à Léopoldine de s’inscrire, de s’approprier, de vivre son identité et d’évoluer selon ses désirs vrais, sans aucune confusion dommageable avec qui que ce soit….


Août 2008, je reçois une lettre dont je ne connais pas l’écriture…

Lucie m’écrit en s’excusant de la maladresse de son courrier. Elle ne sait pas si on peut écrire à son ancienne psychanalyste mais elle en éprouve le besoin depuis un certain temps. Alors elle le fait.

Lucie et son mari ont choisi de quitter la région peu après la fin de sa cure. Ils sont partis sur Paris après avoir vendu leur cabinet d’infirmiers, vente facile. Pourquoi Paris ? Parce que sa meilleure amie Virginie y habite ? Non, un pari me confie – avec un ultime clin d’œil linguistique – cette subtile jeune femme. Mais elle m’écrit surtout pour me dire qu’elle suit maintenant une analyse didactique car elle fait des études de psychanalyse. Elle ajoute qu’elle sait que je ne lui répondrai pas et que c’est bien comme ça…

 

L’auteur

Psychanalyste de formation philosophique et linguistique, art-thérapeute, psychogénéalogiste, didacticienne, Directrice de l'Institut Francais de Psychanalyse Appliquée, Chantal Calatayud est l’auteur d'autres livres dont « Raconte-moi la psychanalyse » (Éditions Villon), « Apprendre à pardonner - L'approche psychanalytique » (Éditions Jouvence), « S'aimer tel que l'on est » (Éditions Jouvence), « Accepter l'autre tel qu'il est » (Éditions Jouvence), « Vivre avec ses peurs » (Éditions Jouvence), « Le conte psychanalytique, une chance de plus : l'histoire de Fleur » (Éditions Villon - Collection « Vivre heureux tout simplement... »), « Ce qu’il faut savoir pour être soi : sortir du mensonge » (Éditions Dervy), " Les secrets de la longévité d'un couple " (Éditions Villon - Collection « Vivre heureux tout simplement... »), « T'es pas mon père ! » (Éditions Villon - Collection « Vivre heureux tout simplement... »).

Chantal Calatayud est également Directrice de publication de Signes et sens magazine, édité par la société Psychanalyse magazine.

 

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