chantal_calatayud

A lire : les livres et quelques articles
de Chantal Calatayud,
psychanalyste, didacticienne analytique,
auteur,
parus dans Psychanalyse magazine.

ouvrages-publications-chantal-calatayud-directrice-institut-psychanalyse-ifpa

 

Découvrez gratuitement ici
la version en ligne du livre de Chantal Calatayud

" Les secrets de la longévité d'un couple "

Editions Villon
Collection " Vivre heureux tout simplement... "

secrets_dun_couple  

Les couples qui durent existent et sont même légion…
Qui sont-ils donc ces heureux élus qui traversent leur existence sans rien vouloir montrer d’exceptionnel dans leurs attitudes amoureuses ? Qui sont-ils donc encore ces individus en voie de disparition qui s’aiment depuis plusieurs décennies ? Qui sont-ils aussi tous ceux qui, après être passés devant Monsieur le Maire – ou pas –, ont pu finir par faire de leur quotidien à deux une sorte d’évidence banale déroutante : celle qui déclenche chez bien des exclus de ce registre incontestable d’une forme de bonheur enviable le désir d’y accéder ?
Cet ouvrage répond clairement à ces questions en utilisant des situations conjugales concrètes. Ici, le fil conducteur ne fait jamais l’impasse sur le fait que le plaisir à vivre à deux existe en son principe à deux conditions : d’une part de façon manifeste (bonne humeur, drôlerie, humour, joie), d’autre part de façon muette (paix, stabilité, équilibre). Les couples heureux dans le temps le savent et invitent à faire comme eux...

 



 

Chapitre V

Pour optimiser le désir, soyez votre propre coach !

Au cours d’une même semaine, tout un chacun connaît des états plus ou moins marqués de retrait libidinal. Cette modification n’a rien d’inquiétant. Indépendamment du fait que l’être humain fonctionne psychologiquement et répond avec sa sensibilité aux contrariétés du quotidien, un facteur pourtant positif peut mettre en pointillés nos élans sensuels et sexuels : l’inventivité. Or, l’ingéniosité (professionnelle ou affective) a besoin d’un temps de réflexion avant de s’exprimer à nouveau. La sexualité n’échappe pas à la règle de ces « respirations » singulières. D’ailleurs, le chercheur cherche ! Après sa découverte, il repart dans son monde imaginaire aux allures de repli sur soi. Ce recentrage n’a rien d’égoïste. Il prépare l’étape suivante dans laquelle il inclut (déjà) l’autre. Combien de disputes, de désaccords, pourraient être évités si l’individu n’avait pas la fâcheuse habitude de se sentir délaissé dans les phases muettes de la communication amoureuse… Elles font partie du jeu et n’ont strictement rien à voir avec une absence de désir du partenaire. Ou alors, l’usure du couple s’objective de façon tellement tangible que le doute n’est pas de mise !

· Quentin, délégué médical, se trouvait à Paris pour des raison professionnelles. Il avait l’habitude de téléphoner à Coralie, son amie, dès qu’il arrivait à destination, sitôt dans le taxi. Là, il s’est rendu compte qu’il avait oublié son « portable » chez lui. Plus la journée s’écoulait, dit-il, plus il avait envie de serrer Coralie contre lui… Il ajouta qu’elle ne lui avait jamais autant manqué physiquement…

Outre une interprétation facile psychanalytique, qui prendrait en compte, dans cet exemple, le rôle réactif d’une résurgence abandonnique, s’impose une dimension didactique. Cet acte manqué a permis à Quentin un retour sur lui (plus que sur son couple dans un premier réflexe) : l’absence momentanée, imposée (par son inconscient), d’une communication orale habituelle avec sa compagne l’a conduit à retrouver quasi tactilement la vivacité de l’étincelle d’amour qui se trouvait en lui, à disposition en cas de nécessité. Cette étincelle de vie existe non seulement en chaque individu mais il s’agit d’un principe permanent qui nous encourage à revoir notre copie lorsque nous n’avons pas été tout à fait à la hauteur !

Quentin le savait la veille de son départ puisque sur un ton penaud, il raconte avoir eu un rapport sexuel avec Coralie, sans véritable désir, mais parce qu’il s’absentait quelques jours…

L’amour n’apprécie pas ce genre de petits arrangements aux allures de recherche d’assurance bien puérile. Quentin fantasmait alors avoir tout donné à sa compagne avant de partir à 500 kilomètres d’elle. Coralie n’aurait sûrement pas besoin d’aller voir ailleurs pour se consoler !

On se doute que la sexualité de ce jeune homme ce soir-là a dû être « mécanique », « automatique », sans aucune inventivité. Pour des raisons qui n’appartiennent qu’à sa propre intimité, il n’avait certainement pas dû recharger suffisamment ses batteries créatives pour embellir et auréoler Coralie lors de ce qui ne fut alors qu’un « accouplement marchand »… Cet acte disqualifiant pour les deux partenaires trouve son origine dans un élan de contrôle et de domination masqués qui n’aboutit, quoi qu’il en soit, qu’à une mise en échec sévère. Autrement dit, écoutez simultanément votre tête et votre corps : quand ces deux atouts se mettent en sommeil, c’est-à-dire lorsqu’ils vous distillent un non protecteur, n’ayez surtout pas peur que ce soit le cœur qui inflige une position de retrait ou de refus.

Encore une fois, aucune communication sexuelle ne fera l’impasse de l’ingéniosité. À condition cependant de bien prendre garde aux herses que nous plaçons insidieusement sur notre route. On s’en doute, les interdits et autres tabous utilisent des subterfuges suffisamment habiles pour que nous ne réalisions pas une seule seconde notre énorme part de responsabilité dans le déficit d’érotisation du lien.

En fait et selon la psychanalyse, des facteurs démoniaques interviennent :

> L’étayage
Tant que nous confondons plaisir et besoin, ce type relationnel névrotique abîme toute possibilité amoureuse et sexuelle de qualité. L’étayage renvoie à un processus de dépendance qui utilise un fonctionnement psychophysiologique qui s’appuie sur le plaisir inhérent aux pulsions d’autoconservation. Un déplacement dans la sphère sexuelle ne posera ici aucun problème à l’inconscient :
- Tu as besoin de faire l’amour, j’ai donc droit au plaisir…
ou encore
- J’ai besoin de plaisir, tu as donc le droit de me faire l’amour…
Cette surenchère tournant autour du devoir comme droit ou du droit comme devoir aboutit – malheureusement – à une sorte de législation du rapport amoureux où la sexualité souffre d’un dualisme pulsionnel, générateur de conflits, donc de rapports de force. Là encore, l’épuisement énergétique est tel que l’ingéniosité se retrouve de plus en plus reléguée aux oubliettes !

La solution
Il convient de ne pas favoriser la circulation – tout aussi innocente soit-elle en apparence – d’une imagination immature. Il ne faut surtout pas se cacher derrière des croyances régressives qui s’emparent et se parent d’un moi d’obligation pratique. À l’inverse, il est salvateur d’anéantir l’angoisse d’être remplacé par un autre dès que nous avons tourné les talons. Sinon, les agissement anti-relationnels se cristalliseront sournoisement. La bonne attitude repose heureusement sur un champ basiquement possible, sans que le moindre sentiment de désengagement amoureux surgisse : lorsque le désir n’atteint pas la sphère génitale, attendons-le ; il est fatalement passé quelque part ; pensons ici au jeu du furet qui s’articule intelligemment non pas sur un évitement mais, au contraire, sur une attraction en préparation. Si le furet disparaît, il reviendra… Il disparaît momentanément pour élaborer son grand retour !
Pas d’envie sexuelle ce soir ou depuis quelques jours ? Visualisez vos retrouvailles, déjà, ici, maintenant, même si vous avez un livre ou une revue à la main, ou si vous êtes devant votre téléviseur ou votre écran d’ordinateur ! Peu importe les conditions. La pulsion investira alors et inconsciemment, grâce à l’aide de votre occupation du moment, d’autres voies de décharge (dixit la psychanalyse) ; une fois revisitées avec plaisir, elles génèrent un processus de détachement. Celui-ci – qui aura donc traversé librement un territoire oral (tout ce qui touche à la zone buccale, comme parler, lire, écouter, regarder – ou la sphère anale, comme écrire, peindre, « bricoler », travailler) retrouvera un peu plus tard sa route sans difficulté et avec joie : la zone génitale. Mais sans contrainte. Bien au contraire !

> La destruction
Au conscient, le mot renvoie à la peur, nous inquiétant toujours. À l’inconscient, la destruction utilise l’angoisse ; ce curieux phénomène, lié à l’incompréhension d’une situation, s’inscrit dans un magma qui pourra, si les éléments de fixation se révèlent particulièrement importants, entraîner des attitudes suicidaires. Car la destruction mène, sans aucune exception, à l’autodestruction… Détruire l’autre, c’est se détruire. Ainsi, lorsqu’un des éléments du couple se sent menacé par des réactions de son partenaire qu’il a du mal à interpréter, il répond la plupart du temps en menaçant et en utilisant des moyens très agressifs qu’il finira par retourner contre lui. On est, dans ce registre, aux portes de la persécution, voire de la paranoïa, avec à disposition son catalogue de maladresses, d’inepties et de délires.

Les psychanalystes déclinent la paranoïa selon quatre processus distincts :

–1.) La jalousie
· Hubert n’en peut plus d’imaginer sa femme, Charlotte, infirmière hospitalière, dans les bras de son chef de service. Il passe plus de temps à la surveiller qu’à travailler ! Son commerce de vêtements s’en ressent, ses deux employées en profitent, assure-t-il. Hubert épie son épouse aux moindres faits et gestes, fouille son sac, ses poches. Les pauvres indices qu’il évoque ne sont bien sûr parlants que pour lui. Les conflits conjugaux éclatent maintenant quotidiennement. Charlotte veut divorcer…

–2.) La mégalomanie ou folie des grandeurs
· Malgré une comptabilité en grande difficulté et les avertissement de sa banque, Hubert engage des dépenses financières pharaoniques. Puisque Charlotte veut le quitter (« sûrement pour son chef de service » !), le commerçant fait l’acquisition d’une voiture de course (plus chère, plus grosse, plus puissante que celle du médecin). Charlotte, aux dires d’Hubert, est sous l’emprise de son « amant » puisqu’elle n’apprécie aucun des nouveaux achats luxueux…

–3.) L’érotomanie
· La sœur du médecin vient régulièrement dans le magasin d’Hubert dans lequel elle fait des achats suffisants pour être reçue et reconnue comme une bonne cliente. Jusqu’ici, rien d’autre ne poussait le commerçant à entamer de vraies conversations avec elle. Maintenant, il sollicite la jeune femme de plus en plus jusqu’au jour où il l’invite à déjeuner, pendant le service de son épouse ! La cliente refuse catégoriquement et en parle largement alentour…
Hubert interprète sauvagement cette attitude, déclarant que tout ce petit clan se ligue décidément contre lui…
La psychanalyse donne une autre interprétation de ce type de situation : pour cette discipline, la paranoïa est un déni de l’homosexualité. Hubert a eu, dans cet exemple précis, une réaction érotomaniaque. C’est-à-dire que de façon déguisée, en cherchant à fréquenter la sœur du médecin, il espérait (fantasmatiquement) se rapprocher du médecin… mais pas par rivalité…

–4.) La persécution
· Hubert va de plus en plus mal. Continuant à persécuter Charlotte, dont il dit qu’elle le perturbe, il s’autopersécute. Cette forme de masochisme quasi univoque se différencie du registre sadomasochiste classique en tentant de trouver son « issue » dans une injonction de limites floues, imposées par le malade au pseudo persécuteur.
Petit à petit, on constate qu’Hubert glisse vers un univers hallucinatoire déformant largement la réalité. Il quitte son axe. Jusqu’à faire en sorte que Charlotte veuille quitter le toit conjugal…
Le paranoïaque transforme ainsi et toujours l’entourage en tyran et s’en convainc.

La solution
Méfions-nous de ce que nous ressentons ! Les émotions peuvent être de très mauvaises conseillères. Si elles abritent de quoi réveiller d’excellentes perceptions, elles peuvent aussi nous suggérer des paniques injustifiées, des doutes intolérables, des dévalorisations conséquentes. Rien n’est plus dangereux que de déclencher notre imaginaire par le biais d’un doute particulièrement négatif. Le vrai bon doute résulte d’une réelle humilité et non d’un complexe d’infériorité qui pousse à déguiser le partenaire en bourreau et en traître.
Ayez la sagesse de ne jamais vous brancher sur les ondes parasitées par le jugement. Vous mettrez sinon systématiquement la balle dans le camp du conjoint auquel vous donnerez de belles idées de fuite. À force de reprocher à votre grand amour de vous tromper ou même de le suspecter de fréquenter sentimentalement quelqu’un d’autre que soi, il peut finir par le faire !
En fait, quand nous avons l’impression que l’élu de notre cœur change, c’est plutôt bon signe ! Cela prouve que nous changeons ensemble. C’est l’occasion de bouger encore et en-corps des bases maintenant bien solides. L’amour évolue avec le temps, avec l’âge, avec l’entourage, avec la société, avec les modes ! Et c’est tant mieux car il nous fait sacrément avancer !
Bien communiquer dans le couple requiert ainsi d’abandonner la moindre pulsion phobique, de celle qui arrive – dans certains cas invalidants – jusqu’à paralyser, au propre comme au figuré, le malade. Effectivement, une phobie peut empêcher le souffrant de se déplacer seul ; il devra alors se faire accompagner en voiture, par exemple, pour la moindre « démarche ». Mais, l’investissement phobique peut être tel aussi que le recours obligatoire au fauteuil roulant pourra être le résultat d’une paralysie liée à un accident de voiture dont l’origine inconsciente sera un blocage psychologique verrouillé et verrouillant pour soi et pour l’autre.

Dans la sphère sexuelle, il n’est pas rare de retrouver ces mêmes problèmes d’inhibition. Il devient alors impossible de communiquer agréablement et complètement avec la personne que l’on aime. Malgré soi…

A contrario, une vie sexuelle réussie sur la durée donne un accès permanent au lâcher prise. Et non le contraire. Une légende voudrait d’ailleurs que ce soit le lâcher prise qui entraîne l’orgasme. Pas du tout !

La vacuité se veut vide. À vous d’en faire l’espace de tous les possibles. Donc de l’imprévisible. Cet imprévisible accepté lève le voile du creuset de l’amour en constant renouvellement. Car l’inconscient a horreur de la routine. Il s’est façonné à la faveur des mouvements introjectifs (prendre) et projectifs (garder / rendre / donner). Il se structure de la sorte et additionne de fait ses multiples expériences de vie.

La cause primordiale de l’altération du désir rejette la nécessité d’une logique connaissance de soi. La raison repose sur une image narcissique réductrice et réduite. Le partenaire élu connaît la même difficulté avec lui-même. Progressivement, le corps s’efface et devient une surface lisse, un contenant vide et vidé de tout stimulus (interne). Intervient ici une défusion d’avec soi-même, un désaccord lié à une désapprobation du plaisir venant de l’intérieur : le sujet attend donc, et de plus en plus, que l’autre lui procure ce plaisir… Cet autre en attend bien entendu la même chose !

Pour recevoir du plaisir, il faut curieusement commencer par s’en donner ! Il s’agit-là d’un véritable vecteur thérapeutique qui se trouve, en outre, grandement efficace dans les dysfonctionnements sexuels tels que le vaginisme (qui ne permet pas la moindre pénétration par contraction inconsciente périvaginale musculaire, entraînant des douleurs insupportables), la dyspareunie (qui est un type de douleur interne lors du coït qui devient phobogène), l’anorgasmie pour la femme, ou encore les troubles de l’érection ou l’éjaculation précoce chez l’homme.

Ainsi, si la sexualité appelle des fantaisies, des déclinaisons érotiques et s’en porte bien, les nombreuses positions resteront globalement insatisfaisantes tant que nous ne déciderons pas de réinventer les rouages de notre propre plaisir intérieur. Tout comme charité bien ordonnée commence par soi-même, l’auto érotisation prépare le réveil des zones érogènes. Nous devons nous appliquer à être notre propre coach en matière de désir ! En tant que psychanalyste (et non sexo-thérapeute), je fais donc ici allusion, une nouvelle fois, au rôle anticipatoire de tout un chacun dans la communication sexuelle.

Le propre du désir étant de s’imposer au moment le plus inattendu, vos auto stimulations/plaisir psychologiques se préparent en secret, dans votre intimité. Seules les attentions que vous choisissez de vous offrir évitent d’altérer davantage encore votre personnalité intrinsèque désirante. N’hésitez donc pas à développer de la sympathie pour vous. C’est-à-dire qu’avant de communiquer avec autrui, il faut apprendre à vous adresser des messages… personnels !

> Prenez conscience de vos mauvaises autocritiques et remplacez-les immédiatement par la remémoration de ce que vous considérez faire partie de vos belles qualités.

> Ne chassez pas tout de suite les moments où vous vous êtes senti(e) humain(e). Restez concentré(e) en imaginant ce que votre interlocuteur a pu alors penser de vous en positif.

> Ne sous-estimez pas vos actes altruistes. Fortifiez-les en pensée.

Cette préparation mentale régulière va complètement modifier vos rapports amoureux ! Cela vous surprend ?
Comment voulez-vous accepter votre partenaire, physiquement et moralement, si vous ne vous aimez pas ? Vous ne pourrez l’accueillir qu’en fonction des lauriers que vous vous attribuez. Si vous estimez que vous êtes une erreur, un échec à vous seul, vos rapports sexuels seront à l’image de votre dépréciation. Sournoisement, cette mésestime viendra polluer vos ébats. Votre inconscient pourra même aller jusqu’à étiqueter ceux-ci de sales, de pervers, de glauques…

· Françoise me dit au cours d’une séance psychanalytique que son fiancé la prenait pour une pute… En fait, c’est elle qui ne s’aimait pas, projetant sur le jeune homme une idée d’utilisation de sa part. Elle s’étonnait alors de la mauvaise qualité de leurs rapports sexuels. Certes, lui déguisé en proxénète, elle en prostituée, on ne voit pas très bien comment le plaisir libéré de toute censure aurait pu être au rendez-vous…

Ce type de défense s’avère d’autant plus regrettable qu’il est quand même plus simple de se faire du bien que de se faire du mal. Quoique…

 

 

Lire la suite ==> Chapitre VI

 

> Lire d'autres textes