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A lire : les livres et quelques articles
de Chantal Calatayud,
psychanalyste, didacticienne analytique,
auteur,
parus dans Psychanalyse magazine.

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Découvrez gratuitement ici
la version en ligne du livre de Chantal Calatayud

" Les secrets de la longévité d'un couple "

Editions Villon
Collection " Vivre heureux tout simplement... "

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Les couples qui durent existent et sont même légion…
Qui sont-ils donc ces heureux élus qui traversent leur existence sans rien vouloir montrer d’exceptionnel dans leurs attitudes amoureuses ? Qui sont-ils donc encore ces individus en voie de disparition qui s’aiment depuis plusieurs décennies ? Qui sont-ils aussi tous ceux qui, après être passés devant Monsieur le Maire – ou pas –, ont pu finir par faire de leur quotidien à deux une sorte d’évidence banale déroutante : celle qui déclenche chez bien des exclus de ce registre incontestable d’une forme de bonheur enviable le désir d’y accéder ?
Cet ouvrage répond clairement à ces questions en utilisant des situations conjugales concrètes. Ici, le fil conducteur ne fait jamais l’impasse sur le fait que le plaisir à vivre à deux existe en son principe à deux conditions : d’une part de façon manifeste (bonne humeur, drôlerie, humour, joie), d’autre part de façon muette (paix, stabilité, équilibre). Les couples heureux dans le temps le savent et invitent à faire comme eux...

 

 

 



 

Chapitre IV

Sexualité : de mieux en mieux...

Une question que l’on se pose souvent dans l’existence tourne autour de la qualité de sa vie sexuelle : les hommes et leur angoisse de castration – postulée par la psychanalyse – semblent les premiers concernés dès leur adolescence mais bien des femmes, redoutant d’être frigides ou que leur soit reproché cet état peu confortable, ne vivent pas plus béatement le rapport physique qui les unit à leur partenaire.

Il est certain que des millénaires de religion « tabouïsante » ont majoré la notion d’interdits. Mais, se contenter de cette explication facile ne fera pas avancer la façon que l’on a d’aborder la sphère génitale, si celle-ci apparaît particulièrement censurée. D’autant que pour une fois, les Écritures Saintes sont déculpabilisantes : ne transmettent-elles pas, ne rappellent-elles pas qu’« une chose n’est impure que pour celui qui la croît impure »… Quant à nos familles respectives, libérées ou pas moralement, elles finissent par avoir bon dos quand une sexualité « coincée » se bloque et résiste… Il n’est d’ailleurs jamais très évolutif d’attribuer de manière tout à fait sauvage à un tiers une responsabilité qui nous incombe, y compris celle de nos états amoureux plus ou moins performants ! Enfin, reprendre un discours largement répandu, qui accuse facilement de ne pas respecter l’autre aimé au point de connaître une lassitude sexuelle, se révèle tellement désuet qu’il ne nous reste plus qu’à nous interroger sérieusement sur les raisons d’une sexualité épanouie pour certains, malgré plusieurs décennies d’intimité génitale…

Au risque de déranger quelques adeptes des aventures extra-conjugales, de ceux qui expliquent que leur couple légitime « s’éclate » de plus en plus au lit depuis qu’ils pratiquent le libertinage réciproque, il semblerait que la fidélité soit un facteur favorisant tout ce qu’il est agréable de pratiquer sous la couette… Effectivement, il y a dans ce défi à égrener à deux les années qui passent quelque chose de l’ordre d’une régénération énergétique incontestable.

D’un point de vue du fonctionnement de l’inconscient, rien d’illogique dans ce constat. La fidélité évite – on s’en doute – de déclencher tout réflexe humain de culpabilité. De fait, une économie libidinale saine se fait, alors que l’inverse exige de puiser dans les réservoirs libidinaux de façon excessive… Hormis ce processus vital, véritable épargne, le fait de « pratiquer » un seul et même partenaire régulièrement offre l’avantage d’une grande complicité qui fait partie de la bonne séduction. Cet atout majeur se décline agréablement et prépare habilement aux préliminaires de qualité. Permettez-moi d’oser un parallèle un peu grivois : c’est comme une mise-en-bouche ! Cette étape complice, encore une fois, est primordiale et invite à aller plus loin. Sa particularité : créer un lien entre les heures qui ont séparé le couple dans la journée et favoriser les retrouvailles sans brutalité. C’est-à-dire sans que puisse être enregistrée par le cerveau la moindre rupture de rythme. Pour en arriver à ce moment insolite d’union, quelques astuces – qui deviennent vite automatiques si on le décide – sont malgré tout nécessaires :

  • Adoptez l’écoute sensuelle

Vous venez de rentrer chez-vous : ne vous déshabillez pas tout de suite ! Laissez l’imagination de votre compagnon ou compagne se déclencher. Rapidement, vous constaterez qu’il sera fait allusion à ce que vous avez pu faire dans la journée. Là, ne manquez pas l’occasion de saisir le premier propos qui pourra être interprété avec connivence et… sensualité…

Pour exemple, Faustine, commerciale, arrive chez elle en tailleur sexy. Elle range les courses le plus naturellement du monde. Ses gestes harmonieux vont attirer le regard de Gérald, son mari, qui prêche aimablement le faux pour savoir le vrai :
Quand tu te baisses, ma chérie, ta jupe est à deux doigts de craquer…
Mais c’est toi, mon amour, qui me fais craquer…, répond Faustine sur un ton suave…
Ce petit jeu de sollicitations enclenche déjà, de façon coquine, de quoi se diriger vers le paradis…

  • Laissez-vous désirer

Pas question cependant de « craquer » tout de suite. Les courses rangées, dirigez-vous vers la salle de bains dans laquelle vous resterez un certain temps, en ayant pris soin de fermer la porte… À clef ?
Tous les psychanalystes, à l’instar de Jacques Lacan, le confirment : Le désir naît de la frustration… Votre conjoint veut entrer ? Dites-lui gentiment d’attendre… que vous en avez pour un court instant… que vous prolongerez et ferez durer bien entendu ! Inutile de préciser qu’il vaut mieux sortir parfumé(e), vêtu(e) d’une tenue d’intérieur sympa (on évite quand même le haut ou le bas ( ! ) floqué d’un nounours ou, pire, de Tintin suivi de l’ineffable  Milou… Quant à Bécassine, on oublie carrément…). Et là, vous invitez l’heureux élu à vous suivre dans la cuisine pour préparer à deux un dîner frugal, léger.

  • Pimentez votre tête à tête

Les idées repas ne manquent pas, même lorsque la journée a été harassante, ce qui d’ailleurs est une excellente raison supplémentaire. Mais, « les mets » resteront sensuels. De quoi pimenter votre soirée. Certains composants de l’alimentation jouent d’ailleurs un rôle positif dans la qualité du coït. C’est le cas notamment des produits de la mer, des agrumes et des fruits secs. Quant aux aphrodisiaques, tout le monde les a en tête : du gingembre réputé pour sa belle action sur le flux sanguin nécessaire à la qualité de l’érection, en passant par le piment ou tous les condiments qui éveillent l’ensemble de nos sens, la liste est délicieusement longue. Autant ne pas s’en priver !
En outre, érotiser un partage culinaire, c’est aussi envelopper l’autre en ayant des conversations qui parlent d’amour. Le ton agréable change alors, se fait plus langoureux et émoustille favorablement le désir. À ce stade du rapprochement, libérez vos sentiments : cette première caresse orale, outre l’excitation des papilles gustatives, vous poussera insensiblement à vous regarder amoureusement droit dans les yeux. Cette pénétration préalable se déplacera doucement, progressivement sur l’ensemble du corps, s’étendant peu à peu à toute la surface de la peau. Les premiers frissons auront valeur de vrais massages érotiques. Étourdissez-vous à deux, dans une confusion des sens qui vous incitera de plus en plus à avoir envie de vous redécouvrir.

  • Stoppez tout rituel

S’il est des automatismes plutôt utiles (nous l’avons vu), mieux vaut supprimer une gestuelle robotique. Certes, la tête dans les nuages invite déjà à se diriger vers l’alcôve mais passer de la table à la cuisine, les mains chargées de vaisselle sale, n’a rien d’excitant ni pour celui qui le fait, ni pour celui qui regarde faire. Un petit coin de canapé constitue une excellente transition  car le geste doit rester vecteur de désir si vous souhaitez faire de ces heures intimes une pause/plaisir qui précèdera d’autres temps/désir à venir. N’oubliez pas qu’une nuit réussie, ça se prépare !
Décidément, l’amour s’accommode mal de trop de répétitions en tout genre, préférant la fantaisie à toute attitude compulsive. Cette limitation s’étaye sur la hantise qu’a l’inconscient de tourner en rond ! Effectivement, cette partie cachée de l’individu supporte difficilement qu’il puisse faire toujours la même chose car, si le changement peut le gêner parfois, l’inconnu lui faire peur d’autres fois, toujours est-il que la découverte le fascine. Autrement dit, si une série culte télévisée vous passionne, mieux vaut espacer la régularité des épisodes… Sinon, ce sera vite Dallas à la maison ! Au contraire, demandez-lui ce qu’il (ou elle) pense du nouveau CD de votre groupe préféré que vous lui aurez fait écouter ou faites-lui la surprise de lui offrir le DVD qu’il voulait s’acheter et que vous regarderez ensemble en position câline… Là, bien sûr, faites l’impasse sur tout sujet violent et privilégiez les thèmes harmonieux. La paix du ménage « s’initialise » comme le reste, c’est une certitude.
Un autre rituel à évincer – autant que faire se peut – en ce monde de haute technologie : le téléphone. D’accord, vous êtes chez vous et famille ou amis en profitent pour vous appeler. N’hésitez pas à vous mettre sur répondeur ou carrément débrancher, si votre situation ou la période que vous traversez le permet. Toutefois, si la messagerie vous rassure, ce qui est légitime, ne vous précipitez pas au moindre message signalé ! Les Bouge pas, je réponds sont à bannir absolument. Du reste, si vous vous levez brutalement, il vous sera difficile de reprendre votre intimité là où vous l’aurait laissée. De toute façon, cette coupure intempestive aura eu un goût amer d’abandonnisme peu propice à une nuit torride !

  • Partagez les initiatives

Il n’y a rien de plus pénible que ces ambiances sans synchronicité. À l’inverse, qu’il est bon que les initiatives s’éveillent, se rencontrent, s’accouplent : un duo amoureux ne peut se passer de vérifier que les années précédentes ont participé à des expériences que seul ce binôme pouvait vivre ensemble. N’ayons pas peur de faire des bilans. Ils se révèleront toujours constructifs in fine. Les réalisations d’aujourd’hui sous-tendent celles de demain. Pourtant, ce n’est que sur un pas de deux que cette belle objectivation demeure possible : on parle ainsi de danse de l’amour à juste titre. Cependant, pour qu’il y ait harmonie parfaite, encore faut-il que le métronome aille rejoindre, selon un même mouvement, l’initiative commune, nécessaire à l’embellissement de toute relation amoureuse et sexuelle. Il y va  de sa stabilité affective. Les couples qui durent réinventent constamment, à l’unisson, des suggestions car rien n’est jamais acquis et ils le savent. Ainsi, l’amant et la maîtresse sublimes existent puisqu’ils cultivent ce jardin étonnant : ils permettent régulièrement à l’autre de libérer une facette méconnue, enfouie et précieuse. Le narcissisme s’en porte mieux – voire superbement bien – au point d’accorder parfaitement le bon déclic : heureux de sentir combien l’élu(e) de notre cœur nous revalorise, on en fait autant. Cette ronde des bonnes intentions se rejoint et se transforme en idées productrices et productives, gonflant le désir au passage, grâce à ces petites touches de bonheur appliquées délicatement, au quotidien, sur la toile du plaisir qui s’épanouit solidement.
En fait, ici, la nouveauté dans la continuité s’appelle regards coquins, confidences tendres, compliments légers… Les mises en scène sentimentales réussies viennent à bout du reproche qui germait ou de l’humeur aux allures d’orage qui couvait. Désamorcer les grondements de tonnerre requiert donc une coopération mutuelle simultanée : tous ces états positifs, largement renouvelés, qui deviennent un mode de vie. L’ensemble de ces étapes sensorielles vont orienter le couple vers une sorte d’Éden : une sexualité qui s’améliorera au fil du temps…

· Je me souviens de Monique, professeur de piano de 70 ans à l’époque, qui m’avait dit avoir passé une folle nuit d’amour avec son époux de sept ans plus âgé qu’elle :

– J’ai encore découvert une face insoupçonnée du plaisir hier… Et nous recommencerons..., m’avait-elle confié émerveillée. Il y a plus de vingt ans de cela. Je n’ai jamais oublié  ses yeux, véritable regard de jeune femme retrouvé qui brillait d’émotion en se remémorant son accouplement des heures précédentes. Je devinais dans cette confidence combien son corps et son cœur avaient dû vibrer, en même temps, une nième fois, pourtant après plusieurs dizaines d’années de mariage… Il m’arrive de repenser à ce court échange verbal avec Monique, maintenant décédée, elle qui de par son métier avait l’habitude de faire des gammes, et de retrouver intact cet enseignement délicat qu’elle m’avait adressé comme une leçon à retenir : pour que la sexualité soit de mieux en mieux, elle ne peut être que guidée par la fraîcheur, quel que soit notre âge. L’amour aime avant tout l’authenticité. C’est-à-dire la spontanéité. Il n’y a aucun paradoxe avec les quelques conseils énoncés précédemment dans ce chapitre : quoi de plus naturel au fond que de se faire beau ou belle pour son partenaire ? Quoi de plus normal que de lui préparer un dîner aux saveurs de plaisir ? Quoi de plus légitime que de l’écouter nous parler d’amour ? Il ne s’agit-là que d’une mise en orbite pour atteindre encore et toujours la planète du désir.

En revanche, vous pouvez penser qu’avec de jeunes enfants à la maison, les points essentiels que je viens de vous suggérer pour que votre couple continue à s’épanouir, ou arrête de s’étioler, appartiennent au registre de l’utopie ! C’est cette mauvaise conscience (de soi, de vous) qu’il faut parvenir à éliminer :

> En premier lieu, le scénario des courses à mettre dans les placards peut rester inchangé en présence des enfants. Au contraire même. Ce jeu un peu aguicheur leur posera des limites et les laissera à leur juste place. Le tabou de l’inceste sera ainsi respecté et l’amour que vos chérubins vous porte s’en trouvera recadré. Ils constateront que les adultes s’aiment entre eux différemment de ce qu’ils imaginent. Ils apprendront à attendre d’être « grands » pour aimer et respecter à leur tour la personne qui leur conviendra, à l’identique de la relation amoureuse que leurs géniteurs vivent.

> En second lieu, votre moment de détente dans la salle de bains pourra être différé après l’heure du coucher de votre progéniture et de la sempiternelle histoire qu’elle réclame. Sans aucune difficulté.

> En dernier lieu, n’imaginez surtout pas qu’il ne vous restera plus de temps pour vous occuper de votre couple. Il n’est un secret pour personne que l’individu gagne en efficacité d’action dès lors qu’il sait que l’attend une rencontre agréable et souhaitée. C’est fou comme, dans ce cas, il met les bouchées doubles, sans le moindre aléa sur le chemin… Car s’impose, omniprésent, le soi suggestif, celui qui œuvre pour déclencher notre imaginaire et nous susurrer des mots doux : ceux que nous avons entendus lors de bien de nos fusions amoureuses précédentes et que nous avons hâte d’écouter à nouveau, avant de revivre et de retrouver l’abandon total (et définitif ?) dans les bras de l’aimé(e).

 

 

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