Editions Villon
Collection " Vivre heureux tout simplement... "
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Être père n’est pas facile. Mais ce lien de devoir qui unit un enfant à cet adulte, représentant de l’autorité, reste le fondement de ses futures conduites. Cependant, le petit d’Homme – encore immature – ne l’entend pas toujours sous cet angle protecteur. L’opposition est d’ailleurs au rendez-vous, de manière structurale, à des étapes charnières de son développement. Toutefois, d’autres facteurs de rébellion peuvent intervenir et perturber le psychisme de l’enfant.
Ce livre analyse, grâce à des exemples simples de la vie quotidienne, les raisons inconscientes de certaines résistances incompréhensibles pour les parents. En outre, l’auteur donne des attitudes à adopter pour que la révolte illogique – voire pathologique – cède enfin.
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Chapitre II
Familles recomposées : les bénéfices
Ce qu’on intitule aujourd’hui famille recomposée s’étaye, de son côté, sur la capacité démoniaque qu’a toute chaîne ancestrale – nous l’avons vu – à mettre en place des stratégies plus ou moins discrètes pour que les schémas affectifs (et sociaux) se répètent selon une logique interne à l’inconscient filial. Pour la psychanalyse, il s’agit de bénéfices. Ce terme n’a rien de provocateur dans la mesure où ce facteur s’impose à tout individu à son insu.
Le premier bénéfice : stop à la malédiction !
Indépendamment du sens caché d’une reproduction de caractères communs entre les héritiers, soit un lien névrotique ascendant-descendant, afin que ne se perde quasiment rien du secret de famille, le tout premier bénéfice que rencontrent les méandres psychiques du couple, ayant chacun des enfants d’une première union, c’est l’obtention d’un chiffre précis constituant la nouvelle fratrie subitement agrandie.
• Mylène a des jumelles de son précédent mariage. Pierre, son nouveau conjoint, était père de 2 fils lorsqu’il a rencontré la jeune-femme. Voici donc nos amoureux à la tête maintenant de 2 + 2 = 4 enfants.
> Que retrouve-t-on dans l’histoire de Mylène ?
Son frère unique décédé lorsqu’elle avait 5 ans.
> Qu’identifie-t-on chez Pierre ?
Une fausse-couche tardive chez sa mère, Pierre se retrouvant alors enfant unique lui aussi.
En reformant une nouvelle famille, Mylène et Pierre évitent de prendre le risque de perdre un enfant puisque le chiffre 2, phobogène de par leur propre histoire familiale, subit un déplacement, se transformant soudainement en « 4 » qui ne pose plus de problème d’angoisse.
Lorsqu’on étudie ce phénomène singulier, on constate aussi que les dates de naissance jouent un rôle important au moment de la nouvelle union. Celles-ci sont systématiquement en adéquation avec l’âge qu’avait le couple parental ayant subi une génération en amont le traumatisme. Scénario qui, comme toujours, peut se rejouer pendant des siècles !
Le deuxième bénéfice : le « beau » - père
La psychanalyse, grâce à Françoise Dolto en particulier, a mis en garde contre l’abus de pouvoir de la notion de pater familias au sein, bien entendu, de « sa » famille. L’enfant a été considéré progressivement, depuis une cinquantaine d’années surtout, comme un sujet à part entière. Les mère et père ont pris conscience peu à peu que le tout petit capte, enregistre tout ce qui se dit et tout ce qui se fait dans son entourage. Y compris dans la période pré-verbale. Autrement dit, dès qu’il est au monde. Ainsi les adultes ont-ils réalisé que leurs disputes en présence d’êtres encore bien fragiles pouvaient marquer ceux-ci à vie ou… à mort ! Tout comme parler de problèmes d’argent, de travail… Mais cette sagesse reste encore trop fréquemment à l’idée de principe et, lorsque la tension est trop forte à la maison, en cas de crise, l’héritier, bien démuni, témoin de reproches, voire de violence qu’il ne comprend pas, en prend plein la tête… Le père, qui se doit de faire respecter les limites, peut les transgresser lui-même quand il est à bout, devenant alors un pantin absurde qui entraîne un point de fixation redoutable pour l’enfant : ce père devient ici ce hors la loi qui dit mais ne fait pas lui-même. Autant savoir qu’il se fige dans un Fais ce que je dis mais ne fais pas ce que je fais qui ne marchera jamais car l’inconscient ne retrouve plus dans ce comportement paternel le moindre re-père. C’est alors que lorsque le couple, après s’être longuement déchiré, se sépare douloureusement et que la famille se recompose, celui qui reprendra le flambeau, le beau-père, jouira – au début de la relation et en règle générale – le beau rôle.
Obligé de respecter une certaine distance avec l’enfant qui n’est pas le sien, le nouveau compagnon de maman n’interviendra quasiment jamais dans les conflits que la mère éprouve avec celui qu’elle élève loin du géniteur. De fait, ce nouveau représentant de la loi s’impose-t-il véritablement, par la force des choses, en « beau »-père… Il devient donc possible de transférer sur lui un certain quantum d’idéalisations, sans réelle objectivité. L’inconscient de l’enfant établit alors une différence, loin d’être juste, qui pourra d’ailleurs – si la mère n’y veille – gommer peu à peu les qualités et autres capacités du « vrai » père.
• Cyril parle chaleureusement de celui qu’il a considéré comme son père, sans être dupe toutefois de ses propos : J’ai longtemps dit que Michel m’avait élevé. Il a fallu que moi-même je divorce de la mère de mon fils pour que je ressente combien mon propre père avait dû souffrir du fait que je l’efface progressivement de mon quotidien… Si mon père était extrêmement sévère et pouvait avoir la main leste, je garde de lui deux choses essentielles puisqu’il est maintenant décédé : la première, c’est qu’il était un très gros travailleur (ce que je suis), la seconde, c’est qu’il n’a jamais tenu le moindre propos désobligeant sur ma mère alors qu’elle le trompait avec Michel et qu’il le savait (attitude que j’ai faite mienne avec mon fils alors que mon épouse m’a également trompé et m’a quitté pour vivre avec son amant). Si mon beau-père était gentil et même laxiste, je sais maintenant qu’il ne m’a ni élevé ni éduqué. Il avait le joli rôle… passif, il me laissait faire ce que je voulais, ce qui me plaisait bien. Il ne se mêlait pas de ce qui ne le regardait pas. Mais ayant trahi mon père, ce n’est pas grâce à lui que je me suis inscrit dans le respect d’autrui. Je le répète : Michel avait le beau rôle, c’est tout !
Si, dans cet exemple, le lien « beau-paternel » se révèle globalement positif, dans le sens où il n’existe aucun grave traumatisme chez Cyril, il n’en demeure pas moins qu’il lui a été nécessaire de faire une psychanalyse pour laisser émerger le « bon père » : le sien. Fort heureusement, le lien du sang s’impose toujours à un moment ou à un autre comme seul élément fiable pour tout individu. C’est de cette réalité que jaillit la différence salvatrice : semblable mais différent, comme le suggère aussi la philosophie. À l’inverse, la substitution permet une redoutable identification qui s’étaye sur une idéalisation. Aussi à la hauteur que soit un père de remplacement, cet homme apparaîtra toujours, tôt ou tard, un intrus. Même si l’enfant qui en souffre, puis l’adulte, ne peut pas mettre en mots cette forme de rejet naturel, il le manifestera un jour par des maux. C’est pour cette raison qu’on assiste à autant de rejets chez le sujet adopté, dès le départ de l’adoption, s’exprimant par des troubles de l’adaptation (notamment alimentaires) puis, à l’adolescence (par des comportements souvent asociaux) et enfin à l’âge adulte (avec des conduites d’abandon où le sujet fuit majoritairement sa famille d’adoption, fréquemment d’ailleurs en douceur, l’exemple le plus courant, le plus flagrant, étant une installation professionnelle à l’étranger !)…
C’est pour l’ensemble de ces raisons que la psychologie moderne propose, dans le cas des familles recomposées, que l’enfant bénéficie d’activités extérieures qui le mettront en contact avec un véritable tiers, neutre cette fois-ci car totalement en dehors de la sphère familiale. Les transferts se rééquilibreront ainsi au nom d’une possible objectivité.
Lire la suite ==>Chapitre III
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