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A lire : les livres et quelques articles
de Chantal Calatayud,
psychanalyste, didacticienne analytique,
auteur,
parus dans Psychanalyse magazine.

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Découvrez gratuitement ici
la version en ligne du livre de Chantal Calatayud

" T’es pas mon père ! "

Editions Villon
Collection " Vivre heureux tout simplement... "

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Être père n’est pas facile. Mais ce lien de devoir qui unit un enfant à cet adulte, représentant de l’autorité, reste le fondement de ses futures conduites. Cependant, le petit d’Homme – encore immature – ne l’entend pas toujours sous cet angle protecteur. L’opposition est d’ailleurs au rendez-vous, de manière structurale, à des étapes charnières de son développement. Toutefois, d’autres facteurs de rébellion peuvent intervenir et perturber le psychisme de l’enfant.

Ce livre analyse, grâce à des exemples simples de la vie quotidienne, les raisons inconscientes de certaines résistances incompréhensibles pour les parents. En outre, l’auteur donne des attitudes à adopter pour que la révolte illogique – voire pathologique – cède enfin.


Chapitre V

Le père idéal n’existe pas

L’être humain a cette propension conséquente à rechercher toute forme d’idéal. L’enfant, au départ de son existence, par fantasmes interposés, imagine qu’il est une sorte de maître du monde. Puis, en grandissant, il est poussé à réaliser que d’autres que lui œuvrent et qu’ainsi, ils bénéficient d’une autonomie, donc d’un réel pouvoir. C’est alors que l’inconscient, malgré son peu d’expérience, désire de toutes ses forces obtenir la clé que les « plus grands » que lui sont censés posséder. Une stratégie libidinale immature se met en place qui consiste à idéaliser davantage encore l’adulte qui représente, de fait, comme une sorte de réussite. Ce mouvement psychologique interne repose sur le concept de couples d’opposés :

Si je bois, l’autre mange

Si je suis seul (dans la pièce), l’autre est parti

Si je joue, l’autre est triste

Si ma famille est pauvre, une autre est riche

Si je suis sage, l’autre est indisponible car il bouge

et, bien entendu, selon ce schéma,

Si j’échoue, l’autre réussit !

Malheureusement, cette incompréhension de l’extériorité demeure la grande problématique de l’individu, a fortiori lorsqu’il persiste – même adulte – à être l’enfant qu’il a été. Puisque ce postulat freudien peut étonner, il n’est qu’à observer ce qui se passe dès que l’on se retrouve sur les routes au volant de sa voiture. Osons, par exemple, un dépassement sur la voie de gauche à la vitesse maximum autorisée : dans les quelques secondes qui suivent, on se retrouve quasiment acculé par le véhicule qui suit, le conducteur allumant nerveusement ses phares, menaçant, comme un horrible jojo, celui-ci envisageant selon sa propre loi fantaisiste que nous n’allons pas assez vite… Alors que nous sommes – encore une fois – à ce moment-là, dans ce cas précis, au maximum de ce que la sécurité routière et la police autorisent ! Il y a ici, à l’instar de tant d’autres exemples, la manifestation non seulement d’une immaturité mais l’expression d’une opposition : L’autre ne va pas assez vite (selon des permissions et des critères subjectifs), donc je me transforme en pilote de rallye sur une route nationale ouverte à la circulation… Autrement dit, lorsque l’inconscient puéril se réveille, il fait n’importe quoi. En outre, ce réflexe peut sembler paradoxal : effectivement, celui qui n’est pas « moi », qui roule doucement, peut être idéalisé ; on peut envier son calme, l’imaginer en vacances, ou tout simplement le croire paresseux parce qu’on peut aussi penser – de manière complètement parano – qu’il se moque de nous… C’est ainsi et pour ce type de raisons que certains réagissent très mal et deviennent des dangers ambulants.

L’idéalisation est donc un piège complexe qu’il convient de fuir puisqu’elle mène insidieusement à une auto-disqualification pénalisante. Si la situation idéale existait, ça se saurait ! Si l’individu idéal existait, il en serait de même. Alors, pourquoi tant de résistances à quitter l’envie ?

La réponse psychanalytique se révèle plutôt déconcertante : l’inconscient – toujours lui ! – aborde tous les événements, en premier lieu, sous l’angle du plaisir. Dans cet instinct primitif, il englobe le reste du monde, donc tous ceux qui ne sont pas lui.

• Florent, au chômage, est issu d’un couple où la mésentente conjugale liée au père, qui avait une maîtresse notoire, se traduisait par des scènes épouvantables qui se déroulaient devant ses yeux d’enfant. Il a fini par admettre – en cure psychanalytique – que son géniteur travaillait…

– Dès que mon père partait, ma mère me déversait sa haine en me disant, systématiquement, qu’il était allé rejoindre sa maîtresse. Outre le fait que je réalise maintenant pourquoi je ne comprenais rien en classe puisque, moi aussi, j’avais « ma maîtresse » à l’école, je pensais que mon père n’avait pas d’emploi… Les conversations vraies n’existaient pas à la maison, hormis les scènes de ménage qui faisaient que mon père quittait le domicile sans rien dire mais en claquant la porte. J’étais sûr qu’il allait s’amuser, même le matin à l’heure du boulot… Mon père est mort d’un cancer, j’avais 7 ans. C’est ensuite lorsque j’ai entendu parler de lui chaleureusement par ses collègues de travail qui le disaient « bosseur » que j’ai compris que c’était un type bien : non seulement il était chauffeur routier, avec des heures pas possibles, mais il était toujours « partant » pour donner un coup de mains…

En ce qui concerne Florent, on comprend aisément trois choses :

1) - Ses propres blocages à type d’échec par rapport au discours de sa mère qui prenait son fils pour son psy

2) - Sa mauvaise identification à son père qui a entraîné une scolarité difficile puisqu’il fantasmait lui aussi transgresser : Florent avait une « maîtresse » comme son géniteur, ce qui engendrait des punitions assez sévères de la part de son enseignante ; il accumulait les bêtises à l’école et n’apprenait pas ses leçons, deux mécanismes autopunitifs qui avaient pour but fantasmatique de retourner les « fautes » contre lui. La seule leçon que le petit garçon retenait se résumait à celle de sa mère à la faveur de la mauvaise association linguistique et de l’ambivalence du terme « maîtresse ».

3) - L’idéalisation du père : ce héros qui, allant rejoindre ladite « maîtresse », devenait de facto un « maître », personnage auréolé de surcroît, dès son décès, des propos de ses compagnons de travail.

Idéaliser quiconque inscrit nos attitudes dans le douloureux registre des passions, ce qui entraîne indéfectiblement un couple bourreau/victime. Non, la personne idéale n’existe pas, qui qu’elle soit ! Car, dans ce mauvais lien, aucune compréhension n’est possible. La seule règle déterminante pour sortir de cet enfermement consistant à s’aimer, soi, en évaluant les actes que nous posons : s’ils sont adaptés aux événements, ils sont bienfaiteurs en tant que projets relationnels protecteurs. Ce que tout un chacun est capable de réaliser : mais ni mieux, ni moins bien. D’évidence, seul cet équilibre génère la confiance en soi.

 

 

Lire la suite ==>Chapitre VI

 

 

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