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A lire : les livres et quelques articles
de Chantal Calatayud,
psychanalyste, didacticienne analytique,
auteur,
parus dans Psychanalyse magazine.

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Découvrez gratuitement ici
la version en ligne du livre de Chantal Calatayud

" T’es pas mon père ! "

Editions Villon
Collection " Vivre heureux tout simplement... "

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Être père n’est pas facile. Mais ce lien de devoir qui unit un enfant à cet adulte, représentant de l’autorité, reste le fondement de ses futures conduites. Cependant, le petit d’Homme – encore immature – ne l’entend pas toujours sous cet angle protecteur. L’opposition est d’ailleurs au rendez-vous, de manière structurale, à des étapes charnières de son développement. Toutefois, d’autres facteurs de rébellion peuvent intervenir et perturber le psychisme de l’enfant.

Ce livre analyse, grâce à des exemples simples de la vie quotidienne, les raisons inconscientes de certaines résistances incompréhensibles pour les parents. En outre, l’auteur donne des attitudes à adopter pour que la révolte illogique – voire pathologique – cède enfin.


Chapitre VI

T’es pas mon père !

Il est un cas de figure douloureux que notre époque un peu plus libérée qu’il y a une cinquantaine d’années (merci Mai 68 ? ) dévoile fréquemment aujourd’hui : le père de famille qui divorce ou qui se sépare de la mère de ses enfants pour rejoindre un partenaire amoureux masculin.

Cette génération d’hommes qui s’autorisent à casser les chaînes d’une moralité pesante ancestrale attend si possible – en règle générale – que leurs enfants soient majeurs ou bien installés professionnellement. Conscients du choc psychologique que leur reconversion affective peut entraîner, ils préfèrent avoir la sagesse d’attendre le moment qui leur semble convenable ou opportun pour annoncer à quoi ressemblera dorénavant leur vie de couple.

Ces pères de famille se sont souvent mariés pour cacher à un entourage psychorigide leur homosexualité mais désarroi psychique et souffrance morale finissent par les pousser à affirmer clairement leur véritable identité sexuelle. Cependant, même si la société d’aujourd’hui semble plus tolérante à ce sujet, l’angoisse paternelle repose alors sur le rejet potentiel de l’enfant lui-même – quel que soit son âge – lorsque celui-ci saura… Du T’es plus mon père ! à T’es pas mon père !, la frontière est suffisamment mince pour enclencher un risque de rupture qui pourrait in fine être définitive…

Tout homme concerné par cette problématique ne doit jamais perdre de vue que son récent couple homosexuel s’est élaboré et construit comme toute histoire d’amour. Cette façon logique et légitime d’envisager une situation encore difficile permettra de faire taire une culpabilité de mauvais aloi dans la mesure où – tandis que certains censeurs semblent l’oublier… – on ne choisit pas d’aimer un compagnon de sexe identique au sien. Le cœur a, ici, plus que dans un autre domaine, ses raisons que la raison ne connaît pas. Encore qu’il semble non seulement maladroit, déplacé mais erroné d’insinuer que l’homosexualité serait un état déraisonnable. Voire même pathologique. Ce qui s’avère pathologique, c’est le déni de l’homosexualité, quelle que soit l’origine de cet évitement à se recentrer sur soi-même véritablement. Autrement formulé, lorsque la décision de vivre avec son double physique s’impose comme la seule issue en lien avec son authenticité, pour que le géniteur ne prenne pas le risque de blesser son enfant en lui annonçant la nouvelle, l’amour doit être impérativement mis en avant. Mais pour que même l’héritier le plus rebelle ne s’y oppose pas en claquant la porte et en menaçant de se tuer, quelques conditions élémentaires sont à respecter avant de présenter le futur « beau-père » :

1) - Garder un look vestimentaire identique. C’est-à-dire ne pas opter pour une garde-robes aux tons particulièrement féminins, ou excentrique.

2) - Parler naturellement, seul à seul avec l’enfant (ou les enfants), des conditions de la première rencontre.

3) - Situer le nouveau conjoint dans son univers professionnel.

4) - Évoquer la famille du partenaire affectif : situation des parents, lieu de vie, avec détails et anecdotes…

5) - Sans dramatiser, ne pas laisser de côté les difficultés rencontrées, liées à cette situation de couple encore anticonformiste de nos jours.

6) - Décrire la nouvelle habitation (il est préférable de changer d’adresse lorsque le couple s’installe) où chaque enfant aura son coin bien à lui. Même dans un appartement plutôt petit, chacun peut avoir son espace, combien même serait-il symbolique.

7) - Faire des liens avec des activités de loisirs, de détente ou sportives de l’enfant : celles-ci doivent continuer à l’identique, même si le partenaire amoureux n’adhère pas totalement : tout le monde devra faire des concessions…

8) - Énoncer quelques projets d’avenir ne concernant a priori que le couple mais n’excluant pas l’enfant de principe. C’est-à-dire des projets que l’enfant n’aura pas du tout envie de partager. Pour exemple, faire du bénévolat dans une association de quartier.

Quand le jour de la première entrevue arrive, il ne faut pas stresser. Il faut d’ailleurs avoir laissé passer une semaine environ depuis la révélation de ce secret délicat, tenu sous silence jusqu’ici : ni trop ni trop peu. L’idéal n’est pas – contrairement à ce qu’on pourrait le croire – de filer tout de suite au restaurant. Il faut faire pénétrer la petite famille dans l’univers du nouveau couple. Donc, avant toute chose, il est nécessaire de faire prendre connaissance des lieux puis, sous un prétexte facile (finir un travail sur l’ordinateur ou un rangement), laisser ce petit monde s’approprier l’endroit à sa façon. Si l’enfant connaît déjà l’appartement, il sera utile au préalable d’apporter quelques modifications – ne serait-ce que dans la décoration. L’ami de papa fera ensuite son entrée, seul, et débutera par exemple la conversation ainsi :

1) - Tout d’abord, par une affirmation banale mais sociétale : « On ne va pas tarder à partir au restaurant car, avec les vacances, les places de stationnement sont rares »…

2) - Enchaîner rapidement avec une question d’ordre personnel qui concerne l’enfant : « Au fait, tu aimes marcher toi ? »

3) - Quelle que soit la réponse, la pseudo réponse ou carrément l’absence de réponse (!), continuer par une affirmation sociale personnelle : « J’ai la flemme d’aller travailler à pied. Pourtant, ce serait réalisable et bon pour ma ligne »…, ceci dit en riant…

Pour le départ au restaurant, le père prendra et conduira sa voiture. L’enfant ou les enfants seront assis à l’arrière. S’il n’aura pas été question de faire choisir l’adresse à sa progéniture, il est bien évident qu’il vaut mieux opter pour une table plutôt décontractée. Les conversations passent mieux que lorsque l’atmosphère peut être potentiellement tendue. Lors du repas, il ne devra y avoir aucune manifestation de tendresse dans le couple. Les conversations devront pouvoir être partagées par tous. Ne pas dépasser un temps de une heure trente. C’est le père de l’enfant qui s’acquittera de l’addition, sans faire de commentaires (ni positifs, ni négatifs) et qui se lèvera le premier. Le retour s’effectuera en trois étapes :

1) - Une promenade ou une activité plaisante pour l’enfant. Il ne sert à rien de lui demander ce qu’il désire faire : soit il ne répondra pas par timidité, soit par opposition. La fermeté jouera dans le bon sens.

2) - Au bout de deux heures (grand maximum), le père reprendra le volant de sa voiture et déposera le conjoint au domicile du couple. Le partenaire dira au revoir simplement à l’enfant, suivi d’un à bientôt, sans aucune marque d’affection particulière, tout en disant à tout à l’heure à son ami, en bannissant le « chéri » qui deviendrait dévastateur…

3) - Sur le chemin du retour, le père ne fera aucunement allusion à son copain. Ne surtout pas commettre l’erreur de demander à l’enfant comment il l’a trouvé ! La réponse ne reflèterait en rien la réalité de ses perceptions. En revanche, le père devra particulièrement s’intéresser à son enfant. En l’embrassant au moment de la séparation, le géniteur rappellera la date de la prochaine rencontre et lancera une ébauche de programme concernant cette journée ou ce week-end à venir.

En fait, seule la qualité de ce premier contact définira la suite du relationnel, soit l’acceptation ou le refus du copain de papa. Effectivement, dans les conseils énumérés précédemment, si l’enfant n’est pas exclu, il n’est pas non plus le décideur car il n’est en aucun cas question de lui mettre une responsabilité énorme sur les épaules, aux allures d’une culpabilité. D’autant que si le couple était un jour amené à se séparer, l’enfant pourrait en prendre la responsabilité inconsciemment. D’autre part, un parent ne doit pas donner l’illusion à son enfant que celui-ci a la capacité de comprendre ce qui se joue et se vit dans l'existence d’un adulte. Ainsi, le petit d’Homme – et même l’ado – doivent rester à leur place. Ce qui, de plus, évitera toute identification qui n’aurait pas lieu d’être. Entendons par-là qu’il ne s’agit pas de faire comme papa si, physiologiquement parlant, il n’existe pas chez cet être précisément d’homosexualité innée. Ainsi, selon le respect de l’ordre d’attitudes indispensables à adopter et à respecter dès l’annonce du couple homosexuel paternel, l’enfant envisagera le compagnon du père non pas comme un substitut paternel – ce qui pourrait engendrer de la confusion – mais comme un homme qui élargira alors le champ d’expériences de l’enfant : effectivement, chaque adulte peut transmettre à plus jeune que lui des idées, des histoires passionnantes et structurantes qui amèneront une différence précieuse au développement du beau-fils qui, à juste titre et positivement, pourra alors lancer un jour un tonitruant mais sympathique : Décidément, t’es pas mon père !


 

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