chantal_calatayud

A lire : les livres et quelques articles
de Chantal Calatayud,
psychanalyste, didacticienne analytique,
auteur,
parus dans Psychanalyse magazine.

ouvrages-publications-chantal-calatayud-directrice-institut-psychanalyse-ifpa

Découvrez gratuitement ici
la version en ligne du livre de Chantal Calatayud

" T’es pas mon père ! "

Editions Villon
Collection " Vivre heureux tout simplement... "

tes-pas-mon-pere-livre-chantal-calatayud  

Être père n’est pas facile. Mais ce lien de devoir qui unit un enfant à cet adulte, représentant de l’autorité, reste le fondement de ses futures conduites. Cependant, le petit d’Homme – encore immature – ne l’entend pas toujours sous cet angle protecteur. L’opposition est d’ailleurs au rendez-vous, de manière structurale, à des étapes charnières de son développement. Toutefois, d’autres facteurs de rébellion peuvent intervenir et perturber le psychisme de l’enfant.

Ce livre analyse, grâce à des exemples simples de la vie quotidienne, les raisons inconscientes de certaines résistances incompréhensibles pour les parents. En outre, l’auteur donne des attitudes à adopter pour que la révolte illogique – voire pathologique – cède enfin.


Chapitre IV

Pas à pas, une identification parlante

Le mécanisme de l’adoption entraîne souvent des réactions que les parents adoptifs ne comprennent pas.

• Marcelline, découragée et attristée de ne pas avoir d’enfant, raconte son drame : Quand j’ai imaginé Mélodie, ma vie a commencé à ressembler à un conte de fées. Quand j’ai pris Mélodie pour la première fois dans mes bras (elle avait 9 mois), j’ai tenu contre ma poitrine « mon » bébé. Mais, très vite, les choses se sont dégradées. Les troubles alimentaires, les pleurs incessants m’ont littéralement usée. Quant à obtenir un sourire, cela relevait du miracle. Mélodie a marché à 18 mois. Elle hurlait en voyant mon mari – « son » père –, refusant même qu’il la prenne dans ses bras. Les difficultés à l’école ont toujours existé avec, peu à peu, la mise en place d’un échec scolaire. À dix ans, Mélodie a fait sa première fugue, refusant toute autorité et encore plus celle de mon mari. À 16 ans, « notre » fille a voulu passer un été aux Etats-Unis pour apprendre l’anglais. Nous n’étions pas dupes de l’inutilité de ce séjour onéreux mais nous avons cédé. La famille, pourtant très bien, qui l’accueillait, a été obligée de la renvoyer car Mélodie faisait le mur et avait de mauvaises fréquentations. Partant de là, nous avons connu l’horreur et les insultes. Mon mari rentrait de plus en plus tard du travail pour éviter les conflits. Puis il y a eu une IVG chez Mélodie, une consommation d’alcool et de drogues alarmante, la police, le recours à un avocat… Financièrement, Mélodie réclamait toujours plus, menaçant de se jeter sous un train si nous refusions ce qu’elle exigeait… Jusqu’au jour où elle nous a nargués avec un couteau dirigé sur nous. Mon mari l’a mise à la porte à 18 ans avec pertes et fracas : Mélodie hurlait dans la rue qu’elle n’avait rien à en foutre puisqu’il n’était pas son père… Un mois plus tard, elle était retrouvée morte dans un accident de voiture. Nous ne connaissions pas l’homme qui conduisait, tué sur le coup lui aussi et recherché par les services de police… Notre vie est brisée à jamais. Mélodie a bénéficié de tous les soins possibles et imaginables, de toute notre attention, de notre affection, ajoute Marcelline, dépressive, en séance psychanalytique…

Le récit abominable de cette analysante dégage toutefois un apprentissage qui a manqué d’élaboration du côté des parents adoptifs. On voit bien que Marcelline imaginait « son » enfant, pourtant née à l’étranger, comme un bébé français, oubliant qu’elle était issue d’un couple différent du sien. Qu’il s’agisse de sa culture, de son histoire… Mélodie a donc été coupée de ses racines brutalement (n’a-t-elle pas utilisé un couteau ?) dans le sens où sa nouvelle maman a omis de s’intéresser au pays d’origine de la petite fille : on constate que, dans son propos, elle ne fait jamais allusion à celui-ci. Il aurait fallu que le couple s’immerge dans les us et coutumes de ce territoire inconnu d’eux pour qu’il puisse, dès le départ, respecter l’identité vraie de Mélodie. Ce respect élémentaire aurait évité une opposition prématurée de la part du bébé qui, au tout début, de ce fait, a refusé le moindre lien oral, la plus basique communication introjective. Autrement dit, Mélodie aurait dû être accueillie avec un langage adapté : des parents adoptifs qui lui auraient parlé de son lieu de naissance, avec des détails vrais, précis et ce, dès le premier jour de cette rencontre pourtant pleine d’amour.

Il n’y a donc pas de possibilités de restauration psychologique si les adoptants ne font pas ce travail d’intégration. Il est certain que les avis divergent encore sur ce point de vue. Pourtant, même lorsque que nous ne sommes pas trop mal lotis dans notre existence, comme il est agréable de découvrir que quelqu’un – que nous ne connaissions pas jusqu’ici – est du même département ou du même pays que nous. Ceci est arrivé à tout un chacun. Comme il est doux encore d’établir une conversation, un lien avec cet ami « géographique » au point parfois d’en oublier les personnes alentour… On se sent alors tout de suite en confiance et… reconnu…


 

Lire la suite ==>Chapitre V

 

 

 

> Lire d'autres textes