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A lire : les livres et quelques articles
de Chantal Calatayud,
psychanalyste, didacticienne analytique,
auteur,
parus dans Psychanalyse magazine.

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Découvrez gratuitement ici
la version en ligne ou numérique téléchargeable
du livre de Chantal Calatayud

" 55 minutes avec Freud "

Editions Villon
Collection " Vivre heureux tout simplement... "

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La psychanalyse pourrait se résumer à envisager cette technique comme permettant de régler toutes les catégories de névrose d’échec. C’est-à-dire dépasser les résistances inconscientes, celles qui empêchent l’être humain d’exister fondamentalement et de se réaliser. Cependant, la pratique de la méthode freudienne est moins simpliste qu’il n’y paraît ou que certains ne l’imaginent...


S'appuyant sur une méthode et une méthodologie rigoureuses, Chantal Calatayud restitue avec précision et professionnalisme, à l'aide d'un cas clinique précis, ce qui se joue et se dénoue dans le transfert et l'espace/temps de la cure psychanalytique.

 

 

Qui suis-je ?

 

Arrivé à ce stade de son développement psychique, l’enfant a donc constitué, fantasmatiquement, et en quelque sorte, deux identités :

  • une identité comme maman

  • une identité comme papa.

Le problème, c’est qu’il est fille ou garçon… En outre, il a été confronté jusqu’ici à deux pulsions d’auto-conservation :

  • boire/manger

  • déféquer.

Inconsciemment, il pressent et ressent maintenant une énergie qui investit la zone génitale. Pour comprendre ce qui se passe et, par réflexe, il cherche à découvrir cette partie de lui-même qu’il méconnaît. Pour ce faire, il utilise son sens du toucher qui, jusqu’à alors, ne lui servait essentiellement qu’à jouer, à saisir ou laisser tomber des objets, portés d’ailleurs le plus souvent à sa bouche. Mais à deux ans et demi, après avoir découvert les notions de dedans (avec sa mère) puis de dehors (avec son père), il se centre sur sa corporéité, sur la surface de son enveloppe corporelle : c’est le moment de la masturbation. Celle-ci lui permet de commencer à identifier qui il est selon le genre auquel il appartient.

• Lucie arrive en retard de 15 minutes à sa séance. Cette résistance traduit, par temps dépassé interposé, un transfert négatif. C’est-à-dire le refus pour son inconscient d’avancer. Elle se justifie :

• … Depuis ce matin, rien ne va… Non seulement j’ai égaré le stylo que mon mari m’avait offert pour mon anniversaire – je l’ai retrouvé… – mais, avant de partir, impossible de mettre la main sur les papiers de la voiture… Jusqu’au moment où j’en ai eu marre et je suis partie sans papiers…

Le matériel livré ici est particulièrement parlant, si l’on considère que cette analysante arrive au stade phallique de sa cure :

le stylo : forme phallique

impossible de mettre la main : interdit masturbatoire

papiers : identité propre

voiture : contenant/contenu en lien avec sa spécificité corporelle féminine…

La séance est particulièrement courte car la scansion intervient sur « sans papiers », soit « en situation irrégulière ». Mais aussi, de par un jeu inconscient ambigu, « étrangère à la situation » : le traumatisme de Lucie étant essentiellement sa culpabilité par rapport à la mort de Marine, il n’est pas question ici de permettre à l’inconscient de quitter la réalité. Ainsi, et s’il est évident que c’est la cardiopathie de Marine qui a entraîné son décès – et non pas un manque de soins maternels et médicaux de la part de Lucie envers sa fille –, toujours est-il qu’elle était bel et bien la mère de l’enfant et qu’elle le restera tout au long de sa vie et dans sa généalogie.

Cette non-réponse à un Qui suis-je ?, implicite en phase phallique, renvoie – selon les travaux de Sigmund Freud – au processus dit d’annulation rétroactive. Ce processus peut d’ailleurs intervenir n’importe quand dans la cure psychanalytique et dans la vie. Il s’agit pour l’inconscient d’un mécanisme de régression qui consiste, de façon fantasmatique, à remonter le temps en amont du traumatisme quel qu’il soit – histoire de l’effacer… Indépendamment du fait que ce type de tentatives se révèle impossible au nom de la réalité, bien sûr, on ne peut pas permettre à l’inconscient de se leurrer, combien même s’agit-il d’un mécanisme intemporel qui fonctionne à l’insu de la conscience : tout sujet doit s’inscrire dans son identité, la traverser telle qu’elle se présente et accepter ce qui n’est pas en son pouvoir de résoudre. Je fais ici allusion à l’énigme que pose la mort et, en particulier, celle qui concerne des individus jeunes, frappés dans toute leur innocence.

Je désire toutefois apporter une précision quant au stade phallique. Grand nombre de psychanalystes freudiens considèrent qu’il s’agit d’un passage que le thérapeute peut faire travailler à son patient en lien direct et étroit avec le complexe d’Œdipe. Effectivement, pour le maître de la psychanalyse, beaucoup de subdivisions psychiques se mettent simultanément en place entre 3 et 5 ans, sans chronologie particulière. C’est pour cette raison que l’on peut trouver dans des ouvrages psychanalytiques de référence deux expressions parlantes en tant que synonymes de « Stade phallique » : « Position phallique » ou « Phase phallique » ; ces appellations illustrent le fait que l’inconscient du patient avançant dans la cure, de toute façon la question identitaire s’imposera à un moment ou à un autre comme demandant à être analysée, notamment lorsque les pulsions auront suffisamment mûri. Pour ma part, comme pour beaucoup d’autres psychanalystes, et sans vouloir pour autant créer une schématisation rigide, je trouve important et précieux d’aborder cette période de l’enfance comme un stade à part entière. Autrement dit, entre le 30ème et le 36ème mois du petit d’Homme, la découverte de son sexe commence à l’interpeller. Il serait dommage, à mon sens, que l’analysant ne bénéficie pas d’une mise à plat rigoureuse d’éléments libidinaux affectés qui ont pu entraîner des fixations restées jusqu’ici indélébiles. En ce qui me concerne encore, il y a une autre raison qui fait que j’accorde une importance certaine au stade phallique : le seul exemple de l’hystérie. Dans cette manifestation et dans les comportements humains liés à cet état, on retrouve une quasi impossibilité à choisir – donc à renoncer –, la question récurrente de l’hystérique étant « Qui suis-je ? Une femme ou un homme ? ». On retrouve dans cette interrogation (inconsciente bien entendu) une douleur identitaire qui retentit aussi bien sur la sphère affective que sociale. C’est-à-dire une difficulté majeure à se situer dans son trajet corporel, autrement dit à trouver réellement sa place… Et Dieu sait si le fait de liquider cette problématique demeure essentiel. Mais chaque psychanalyste a des raisons légitimes d’envisager le stade phallique à sa manière et loin de moi, de toute façon, l’idée d’imposer ce qui me semble adapté à l’évolution correcte de la cure analytique.


Chapitre 6 - Vous avez dit Œdipe ?

 

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